Pierre Vincenot

 

Diaporama de la conférence enregistrée

le mardi 20 novembre 2018

à la Bourse du Travail dans le cadre de la 28° quinzaine du NARTHEX 

 

Les relations humaines

à l'ère de l'hypercommunication

      Merci de m'accueillir ce soir et d'être venus si nombreux. Avant de commencer cette conférence, je demande à ceux qui ont des smartphones et qui veulent participer à une petite expérience de se connecter à cette adresse-là : Http://bit.ly/narthex65. Quant à ceux qui n'ont pas de smartphone, je vous demande de faire l'expérience sociale de demander à votre voisin ou voisine qui a un smartphone d'aller, vous aussi, avec lui ou elle à cette adresse à saisir dans la barre d'adresse. Vous avez quelques minutes durant mon introduction, puis vous éteindrez les smartphones durant la conférence. D'avance merci. Je vous dirai après ce que j'ai voulu faire avec ce petit questionnaire. Vous verrez alors pourquoi j'ai voulu tenter cette expérience. Nous verrons à la fin ce que cela va donner. 

 

        J'ai donc la difficile tâche de vous parler des relations humaines à l'ère de 

l'hyper-communication. 

Avant de vous parler de cela, je vais compléter un peu mon portrait. J'ai 36 ans et j'appartiens à la génération des Xennials. Il s'agit d'une inter-génération, que les sociologues ont bien identifiée : née entre 1977 et 1983, entre le pessimisme de la génération Y et le joyeux optimisme de la génération du millénaire. Pourquoi vous dis-je ça? Parce que, comme tous les gens de ma génération, ils ont connu les cassettes, le minitel et les walkmans dans leur jeunesse, alors que leur vie d'adultes s'est construite autour d'internet. Cela parait assez fondamental, vous allez voir pourquoi. J'ai été journaliste pendant 10 ans, presse écrite, en radio et surtout sur le web, ce sur quoi je me suis assez vite spécialisé. J'ai fondé un centre de formation comme on vous l'a dit. Je suis actif sur trois réseaux sociaux minimum, parfois plus, cela dépend des périodes vécues. Actif, cela veut dire que je m'y connecte au moins un fois par jour. Être actif sur un réseau social, ce n'est pas juste avoir un compte et ne rien faire. J'ai 502 "amis" exactement sur Facebook et 3 249 personnes me suivent sur Twitter. Je suis un peu geek et pour compléter le tout, j'ai rencontré ma chérie sur internet. Donc je suis le cliché pur et dur de l'être hyper-connecté. Pourtant, je suis là devant vous, en chair et en os. J'ai hésité à vous envoyer un hologramme et puis, tout de même, je me suis dit que pour parler de relations humaines, il valait mieux être présent… Je fais tout cela et vous allez voir que je ne suis pas asocial, du moins, je le crois... J'aime être et discuter avec les gens.

Je place cela en introduction pour vous expliquer que, dans tout ce que je vais dire ce soir, je vais être assez positif. Bien sûr, je vais essayer de poser les limites de ces outils, de cette hyper-communication, mais je vais quand même vous présenter de belles initiatives, des choses qui, à mon sens, font avancer l'humanité.

 

   Qu'est-ce que l'hyper-communication ? C'est un sujet assez vaste. Je me suis rendu compte qu'il y avait un autre volet : les relations humaines. Résumer cela en une heure, cela allait être un peu compliqué. Du coup, j'ai fait le choix de vous présenter des choses plutôt positives, de vous présenter le plan suivant :

    - Pour commencer, je vais vous parler de l'impact du temps réel (Live). Dans ce que j'identifie comme hyper-communication, le temps réel a une importance assez fondamentale. 

    - Ensuite, nous parlerons des réseaux sociaux, que certains estiment déconnectés du réel. J'ai hésité à commencer la conférence en regardant mon téléphone sans vous regarder et, au bout d'un moment, dire "Ah, vous êtes là ?" Nous avons cette vision-là de la communication et des réseaux sociaux, d'un jeune qui est sur son téléphone et qui n'en décroche pas. Nous allons voir que cela peut-être assez fédérateur dans la vie réelle.

    - Ensuite, j'ai envie de vous parler de la façon dont ces outils de communication peuvent créer la rencontre et/ou maintenir le lien.

 

   - Et, en fin de conférence, on parlera des relations dans le travail, parce que ces outils de communication ont aussi un impact dans la vie professionnelle.

 

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Hyper-communication, de quoi parle-t-on?

 

Pour essayer de définir ce terme, je me suis dit que ce qui représentait le plus l'hyper-communication, c'était les outils de communication que nous possédons tous : le smartphone, outil que nous avons tous dans la poche. Ce smartphone permet d'accéder à différents services. Ces services sont montrés dans cette diapo mise à jour par Fred Cavazza. Sachez que vous pourrez télécharger cette présentation avec ses liens et ses références. Cette frise des médias sociaux est intéressante, car on y voit tout notre quotidien : une première partie "messagerie" dans laquelle vous reconnaissez probablement quelques logos : logo de Gmail, d'Outlook, celui du téléphone Snapchat qui est un réseau de jeunes ; la deuxième partie représente tout ce qui est partage : partage d'images avec Google, partage de musique avec Deezer ou Spotify. Ensuite, viennent les outils de publications, outil de blogs, avec au milieu Wikipédia, encyclopédie collaborative ouverte, dans laquelle chacun peut aller publier et, surtout, chacun peut, moi le premier, aller chercher des informations. On trouve ensuite les zones de rencontres au sens large (rencontres amoureuses, professionnelles), et enfin des outils collaboratifs, notamment outils de collaboration professionnelle. Tous ces outils sont classés dans un cercle, mais il n'y a pas de frontière bien réelle, c'est assez poreux. Cela constitue une belle galaxie et l'on se dit qu'il faut gérer tout cela, ce n'est pas gagné... Je trouve que cela représente assez bien l'hyper-communication.

Il n'y a pas que tout cela. Au quotidien, j'ai à peu près 28 onglets ouverts, le téléphone envoie des messages professionnels, les réseaux sociaux m'envoient des messages, les médias m'envoient des notifications, mes collègues viennent me parler et me proposer un café. Il y a tout cela. Et le portable qui sonne... Nous voyons donc ce que c'est que l'hyper-communication. 

 

Hyper-communication d'accord, mais on parle aussi d'hyper-connexion, lorsque l'on est connecté à internet. Mon propos se limite à l’hyper-communication.

 

Pourquoi dit-on HYPER-communication?

Parce que comme nous l'avons vu, il existe de nombreux outils, mais est-ce aussi parce que les échanges sont nombreux, est-ce parce qu'il y a une facilité des échanges entre les êtres?

 

Voici quelques données venant de l’observatoire de l'activité sur internet, « We are social », qui publie chaque année un rapport. On voit qu'en 2018 en France, on constate une augmentation de 1% des utilisateurs d'internet, de plus de 6% des utilisateurs des réseaux sociaux, plus 3% d' utilisateurs du smartphone, et plus 7% d'utilisateurs des réseaux sociaux sur smartphones. La courbe des utilisateurs est en constante augmentation depuis les dix dernières années. Cela montre bien que l'on est bien submergés par tous ces outils de communication. Rappelons qu’il y a 58 millions d'internautes en France et 31 millions d'utilisateurs des réseaux sociaux sur 67 millions de Français. On peut dire que la moitié de la France utilise des réseaux sociaux. Je parle d'utilisateurs actifs, et non de ceux qui ont juste un compte dont ils ne font rien. Et le temps passé sur internet est aussi une notion importante. Voici le temps quotidien moyen, toutes catégories d'âge et socioprofessionnelles confondues : 4 h 48 par jour passées sur internet, 1 h 22 sur les réseaux sociaux. C'est bien plus important en ce qui concerne les plus jeunes. Le temps passé devant la télé est de 3 heures, tandis que le temps d'écoute moyen de musique est de 34 minutes.  Ceci pour poser les bases de ce qu'est internet.

 

         La première notion que je voulais aborder est le temps réel. Ce site internet nous montre de façon dynamique ce qui se passe sur internet, c'est-à-dire des réseaux sociaux choisis, des services que vous connaissez  ou dont vous avez entendu parler, dont les logos vous parlent. Ainsi, le service de vidéos YouTube, Twitter, Snapchat, Instagram, des outils de blog, des outils de stockage de Google dont Dropbox, très utilisé, des sites comme Airbnb ou King, et ainsi de suite... 

  Depuis une minute que j'ai ouvert cette page, sur YouTube plus de 60 heures de vidéo ont été envoyées, plus de 800 000 vidéos ont été vues sur smartphones et on a généré plus de 

10 000 $ à Google. Ça, c'est dit.

 

On peut aller voir Facebook rapidement pour vous montrer que l'on peut vite avoir le tournis : depuis 1mn30, on a 1 300 000 millions de personnes qui se sont connectées à Facebook et l'on a  près de 10 millions de vidéos qui ont été vues. Il me semble que cela représente assez bien ce qu'est l'hyper-communication et tout ce qui nous tombe dessus et que nous consommons. Je parle bien de consommation. Normalement, lorsque l'on voit ce graphique qui évolue, on prend un peu conscience de ce qui se passe.

 

     J'ai commencé à m'intéresser au temps réel dans les médias, dans la communication de l'information. Bien sûr, j'ai eu un exemple dans l'actualité : les "gilets jaunes". Vous avez tous remarqué, depuis 3-4 jours, toutes les radios et les télés sont en boucle, tous les sites internet sont placés en mode "Live". On suit en direct les mouvements. Les journalistes ont été dépêchés partout. Il y a un journaliste par point de blocage au niveau national. On a des journalistes de BFM qui font le pied de grue dans un péage à ne rien dire. Vous connaissez ces journalistes qui, toutes les 5 minutes, reprennent la même chose, racontent des banalités. Leurs collègues, qui sont à la rédaction à Paris, ont beaucoup plus d'information qu'eux sur le terrain qui n'ont pas le temps d'aller voir les gens, puisqu’ils font des directs toutes les cinq minutes. On prend un gars avec un gilet jaune au hasard et on lui demande de parler dans le micro. Pourquoi tout le monde fait ça ? Qu'est-ce que cela engendre pour vous, utilisateurs, pour vous, lecteurs? J'imagine une overdose de tout ça... mais en même temps, nous sommes quand même fascinés : on reste devant ces chaines de télé, peut-être pas pour les gilets jaunes, mais pour les attentats, on reste devant, on est captivés.... Après, on en parle pendant les repas, on échange nos points de vue. L'autre intérêt que je vois, lors d'un tel mouvement, c'est que l'on transmet quand même de  l'information lors de ces directs.

 

    C'est un mouvement très volatil, complètement imprévisible, qui bouge. Il n'y a aucune demande de manifestation en préfecture. Ce sont des gens qui n'ont pas forcément l'habitude de manifester. Le direct a quand même un intérêt. Si je veux aller me promener, j'aimerais bien savoir si tel péage est bloqué. Moi-même, je suis allé voir sur ces réseaux sociaux pour savoir quels endroits étaient bloqués, pour avoir de l'information en temps réel et essayer de voir ce qui se passait. Il y a donc un intérêt. 

Nous sommes donc happés avec, au bout d'un moment, le sentiment d'avoir une overdose. 

La deuxième conséquence du temps réel, c'est que l'on a assez peu de recul sur l'information. Sur les gilets jaunes, le recul est simple à avoir, mais sur des attentats qui  bouleversent, qui chamboulent, on a besoin de recul et le direct est souvent nuisible. 

Si l'on se place du côté des journalistes, ce type d'organisation bouleverse complètement leurs habitudes. Un journaliste de La Dépêche (j'ai passé 8 ans à La Dépêche) ou du Parisien, a l'habitude d'écrire deux papiers par jour. Il arrive le matin, prend un petit café avec ses collègues, va en conférence de rédaction où sont choisis les sujets, on reprend un autre café, on travaille un peu et on va déjeuner. On revient vers 3 heures, on envoie ??? efficacement, on appelle les gens. A 19 h30- 20 h au plus tard, on est parti. Ça change tout. Maintenant, que leur dit-on dans les rédactions? "Tu ne vas plus écrire deux papiers par jour, tu vas en écrire dix". En termes de relation humaine, cela devient compliqué, car il y a des gens qui seront laissés sur le carreau, des gens qui ne peuvent pas avancer. Il y a des petits groupes un peu précurseurs. On subit beaucoup plus la pression de la hiérarchie. On n’a pas le temps de se poser, de réfléchir, de prendre du recul. Là, pour les professionnels, il y a une incidence réelle sur les relations humaines. Je vous passe les détails.

 

Pour aller un peu plus loin, souvenez-vous des attentats. Vous vous souvenez que, lors de ces directs, lors de ces télés, il y a des énormes bourdes qui ont été commises, voire des choses dangereuses pour les otages. Il y a des informations qui ont été divulguées en direct qui n'auraient jamais dues être divulguées en direct. Ça n'est pas par malveillance, c'est du fait de cette pression-là, parce que l'on reçoit un SMS que l'on n’a pas le temps de vérifier, que l'on a une hiérarchie rivée sur tous les autres concurrents, qui nous dit : "Là, il faut y aller". En fait, ce temps réel bouleverse tellement les relations humaines que certains journaux, certains médias ont décidé de revenir un peu en arrière. C'est Le Monde qui a initié cela assez vite après les attentats de Charlie, en disant : "Nous arrêtons de balancer des informations en direct sans qu'elles soient vérifiées par la rédaction". Regardez un direct du Monde lors d'un prochain évènement et regardez un direct de France TV Infos, de BFM, de LCI. Vous allez vous dire que les gars du Monde ne bossent pas, qu'ils sont à la ramasse. Non, ils ne sont pas à la ramasse, ils vérifient leurs informations. Et ils ont regagné un peu de sérénité dans leur travail parce qu'on les a détachés un peu de cette pression du temps réel. Voici un petit manuel édité par l'UNESCO sur la difficulté de couvrir ces évènements en direct.

      Le gros de ma présentation va s'intéresser aux réseaux sociaux. Ces fameux réseaux sociaux, ces fameux "amis" Facebook qui, cela est sûr, ne sont pas des amis. "Amis" est un terme marketing choisi par Facebook. Twitter a choisi un autre terme, celui de "followers". Chaque réseau social a sa propre grammaire et ses propres codes. Je vais continuer sur l'exemple des   gilets jaunes ». Je vais vous raconter comment est né ce mouvement. C'est intéressant. Mon objectif est de vous montrer que les réseaux sociaux peuvent être fédérateurs : fédérateurs d'êtres vivants ou humains. Le  10 octobre 2018, dix franciliens ont lancé sur Facebook cet appel à se mobiliser pour le 17 novembre. Point commun de ces 10 personnes : tous passionnés d'automobile. On ne le savait pas trop au début.  Mais ce message a été assez vite repris par l'extrême-droite, et notamment par une figure assez connue qui s'appelle Frank Buhler sur Twitter. Ce n'est pas quelqu'un de très suivi: il y a 1 800 personnes qui le suivent.

 

Ce n'est pas énorme, mais suffisant pour commencer à faire boule de neige. Ça, c'était le 23 octobre et, dès le lendemain et les jours suivants, on a vu des vidéos apparaitre sur Facebook, telle que celle-ci… Cela vous fait sourire et c'est normal. Mais c'est assez hallucinant. Il y a eu des centaines de vidéos telles que celle-là, dans toutes les régions. Des vidéos de gens qui donnent leur ressenti. A ce jour, depuis le 23  novembre, cette vidéo a été vue 6 millions de fois ! Mine de rien, cela a abouti à 280 000 personnes mobilisées samedi, et la mobilisation continue. C'est assez nouveau qu'un mouvement parte réellement des réseaux sociaux. Sans entrer dans l'analyse du mouvement, les arguments paraissent faciles et, de ce fait, il est aisé de mobiliser. Mais c'est la première fois que, par les réseaux sociaux, nait un mouvement social. On avait beaucoup dit à l'époque des révolutions arabes que ces révolutions étaient nées des réseaux sociaux. C'est faux. Après analyse, des chercheurs ont montré que les réseaux sociaux ont amplifié, ont joué le rôle de caisse de résonance, mais n'ont pas été le déclencheur initial du mouvement.

 

   Je vous ai dit que j'allais être assez positif, mais on ne peut nier qu'existent des choses pas terribles, voire pire, sur les réseaux sociaux. Que s'est-il passé lors de ce mouvement des "gilets jaunes"? Très vite, des fausses photos ont circulé sur les réseaux sociaux. Des fausses photos comme celle-ci : une photo de gilets jaunes qui investissent une rue. C'est en fait une photo de 2014, prise à l'occasion d'une manifestation de travailleurs frontaliers. Rien à voir... Tout de suite, des gens reprennent cette photo, interpellent Emmanuel Macron sur Twitter... Vous voyez le côté manipulation possible par les réseaux sociaux. Cela dit, il existe de vraies relations qui naissent dans la vraie vie car, depuis quelques jours, ils sont en train de se geler sur les aires d'autoroutes, font des opérations "escargot". Il y a de vraies relations qui naissent, une véritable implication dans la vie réelle.

 

Ce qui est également intéressant est que tout s'organise à partir des réseaux sociaux, tout s'organise avec les outils que je vous ai montrés au début. C'est par là que tout passe. C'était la même chose pour le mouvement "Nuit debout", qui a beaucoup utilisé les réseaux sociaux. Vous vous souvenez de ce mouvement qui a investi les places en France. Il n'est pas né des réseaux sociaux, il est né à la Bourse du Travail à Paris avec François Ruffin et d'autres qui ont décidé et lancé ce mouvement. Par contre, les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur, dans l'organisation même des manifestations. Tous les mouvements de chaque petite ville en France, tout le monde étaient connectés à des messageries cryptées pour éviter d'être écouté. Tout le monde était connecté. On pouvait parler avec Paris, avec Nantes, etc... Au début, les médias ne parlaient pas de ce mouvement. Les gens, qui étaient réellement sur les places, se sont organisés. Ils ont créé des radios, des chaines de télé, des sites web, et ils ont fait leur propre communication. Ils ont su tirer leur épingle du jeu parce que, durant toute une période, ils ont envoyé des images, publié des milliers de photos, nourri dix comptes Twitter "Nuit debout" par ville. Ils ont usé de cette hyper-communication au niveau national. Ils ont su tirer parti des réseaux sociaux et de ces outils de communication numérique pour fédérer le mouvement. Là encore, de vrais liens se sont créés sur ces places. Je sais qu'à Toulouse, par exemple, et ce doit être la même chose à Tarbes, en un clin d'œil, il est possible de mobiliser un noyau dur de gens. Des personnes non syndiquées, peut-être dans des associations, mais toutes isolées. Ces gens-là ont été réunis via ce mouvement, avec l'aide des réseaux sociaux. 

Ceci est valable dans tous les pays. Voici un article du CCFD d'août  2017 expliquant comment cela se passe en Argentine, au Brésil. C'est la même chose : les réseaux sociaux sont un outil pour mettre en branle la machine, faire que des liens se créent et que des mouvements se fédèrent.

 

Cela touche toutes les causes. On parle des "gilets jaunes", on fait un détour au Brésil et en Argentine, et l'on revient en France où l'on nous parle d'une jeunesse qui n'est pas mobilisée, de jeunes qui sont devant leurs écrans toute la journée, qui ne se parlent pas. C'est faux, en fait. Il existe de nombreux youtubeurs (ces créateurs vidéo sur la plateforme YouTube, dont c'est le métier) dont certains nous font rire et peuvent passer pour des rigolos. Il y a aussi de vrais youtubeurs politiques, des youtubeurs qui décrivent en direct ce qui se passe à l'Assemblée Nationale, des youtubeurs qui défendent de vraies causes. Ils sont leaders d'opinion, influenceurs importants pour les jeunes.

 

Voici un exemple qui passe depuis quelques jours (suit la projection d'une vidéo vantant une mobilisation pour la défense du climat). Ce qui est intéressant dans cette vidéo, c'est cette joyeuse fougue de cette génération. On la voit, là. Ils ne vont pas forcément changer le monde, mais il y a de l'initiative. Ils savent raconter des histoires, filmer, attiser l'internaute qui regarde. Ce qui m'intéresse est que cela se traduit par des projets concrets, sur le terrain. On a vu, il y a quelques jours, 300 jeunes dans les rues de Paris, mobilisés une heure avant, via deux comptes Instagram de deux youtubeurs, pour nettoyer les rues d'un quartier de Paris. Ainsi, 300 jeunes qui ne se connaissaient pas, entre 12 et 25 ans, étaient en compagnie de ces deux youtubeurs et ramassaient des mégots, des déchets, dans les rues de Paris. C'est une goutte d'eau, mais cela montre que ces réseaux sociaux, ces nouveaux contenus et cette nouvelle forme de communication qui touchent ces générations, peuvent avoir des incidences concrètes dans la vie réelle. Un de ces youtubeurs, vu dans la vidéo, est suivi par 11 millions de personnes. C'est le plus suivi de tous. Les autres youtubeurs les plus connus ont entre 

500 000 et 4 millions de personnes qui les suivent. Cela peut potentiellement faire de belles choses et de belles rencontres. 

 

Les réseaux sociaux peuvent aussi être utilisés pour dénoncer. Vous connaissez sans doute Instagram (réseau social appartenant à Facebook, comme beaucoup de choses), basé sur la photographie, où l'on voit de belles photos. WWF a décidé d'utiliser ce réseau-là pour parler aux jeunes et essayer de les sortir des "fake news" qui sont matraquées et absorbées par les jeunes. Ils ont pris 9 instagrameurs (quasi-professionnels d'Instagram et qui  influencent l'opinion) et leur ont demandé de faire des photos dans les plus beaux endroits du monde. Ces endroits sont beaux grâce à la retouche d'image, beaux à certaines périodes, mais en fait très abimés. Cela a donné cette vidéo (suit une vidéo montrant les dégradations subies par des sites antérieurement superbes). Ce qui m'intéresse, c'est le côté social de la chose. Ils ont utilisé le réseau social jusqu'au bout en publiant d'abord la belle photo qui fait rêver, provoquant de multiples commentaires et échanges admiratifs. Dans un deuxième temps, ils ont montré que ces lieux ne ressemblaient pas à ces belles images, mais à une plus triste réalité. Les gens discutent virtuellement sur ce réseau social, mais ces discussions ont une répercussion dans la vie réelle ensuite. Ces réseaux sociaux fédèrent donc, soit virtuellement, pouvant aller jusqu'à provoquer de multiples signatures sur une pétition, soit dans la vie réelle en regroupant physiquement des gens.

 

Autre exemple dont vous avez entendu parler : «MeToo», «Balance ton porc». On peut discuter de l'utilité d'un tel regroupement ; il n'empêche que, là aussi, en termes de relations humaines, cela a eu un impact dans la vie réelle. Il y a eu une prise de conscience, il y des gens qui ont été poursuivis, il y a des femmes dont la parole s'est libérée. Bien sûr, il y a eu aussi des travers, ce côté délation publique incontrôlée, mais en tous cas, il y a eu prise de conscience, dans les relations humaines réelles.

 

     Tous ces réseaux ont une limite importante, que l'on appelle la bulle de filtre. Théorisée il y a quelques années, cette bulle correspond au fait que l'on est en réseaux avec des gens qui vous ressemblent. On est en réseau dans le cadre d'une association, d'un parti politique ou d'une opinion commune. On va s’intéresser à ces idées-là. Ces réseaux sont tellement bien pensés, tellement bien programmés que les algorithmes vont me proposer mes centres d'intérêt. Si je m'intéresse au sport, au foot, il va me proposer des articles et des discussions de foot. Si je m'intéresse à l'art, à la danse contemporaine, il va me proposer des articles de danse contemporaine. Du coup, on se retrouve à être dans une bulle. C'est ce que l'on reproche à ces réseaux, d'être dans une bulle. Les partisans d'Hilary Clinton l'ontt vécu. Ils pensaient que c'était acquis. Les partisans de Mélenchon l'ont vécu. Ils pensaient que c'était arrivé : ils ne voyaient que des gens qui étaient pour, donc c'était bon. Dans la vie réelle, ils étaient également entre eux. Du coup, la désillusion est forte. Cela constitue un vrai biais ??? des réseaux sociaux. Cela dit, il faut être un peu mesuré. Une récente étude faite par deux économistes américains a analysé la relation entre la polarisation de différents groupes et l'utilisation des médias sociaux en ligne, entre 1996 et 2012. Ils se sont rendu compte que les plus polarisés étaient les plus de 75 ans et ceux qui étaient le moins connectés à ces réseaux-là. A l'inverse, les plus jeunes (18 - 39 ans) qui utilisent ces réseaux-là quotidiennement étaient sensiblement aussi polarisés en 1996 qu'en 2012. Cela ne veut pas dire que le filtre n'existe pas, mais c'est pour dédramatiser et dire que l'on peut aussi casser cette bulle de filtre. Il suffit de s'abonner à des pages, d’aller voir des gens qui n'ont pas les mêmes idées, d'aller lire des articles hors de notre cœur d'intérêt. 

 

Vous voyez que tout le matraquage que l'on reçoit de tous ces réseaux peut avoir un intérêt si on est vigilant. Je ne vais pas vous énumérer tous les côtés négatifs : vous les avez en tête, les médias vous les rabâchent, le gouvernement vous les rabâche, mais je voulais vous donner cet éclairage un peu différent.

 

On va élargir un peu et ne pas rester sur les seuls réseaux sociaux. On va parler de tous les outils de communication. Ces outils permettent de se rencontrer. Voici des réseaux sociaux de rencontre : il y en a des dizaines, avec un marketing plus ou moins douteux. Ce qui est intéressant, c'est que de vraies rencontres se font via ces réseaux sociaux-là. Je ne parle pas que de mon cas, puisque je vous ai dit avoir rencontré ma chérie sur internet. Il y a de vraies rencontres qui ne se feraient pas en temps normal. Dans les années 60, on se mariait à deux pâtés de maison, très proches de son lieu de vie. Aujourd’hui, on peut élargir cet horizon-là, parce que ces applis de rencontre fonctionnent avec la géolocalisation, avec les centres d'intérêt, avec l'intelligence artificielle. Vous allez me dire que l'on est un peu au marché. Peut-être, mais à un moment donné, des liens peuvent se créer et des rencontres peuvent se faire. Ce n'est pas le mal, tout ça. Certes, les propriétaires de ces sites se font de l'argent. Les gens paient pour y être, il y a de la pub... Tout ça, c'est le côté négatif, mais c'est aujourd'hui un mode de rencontre qui existe.

 

    WhatsApp... Ça vous parle ? Les "oui" sont assez massifs. Qu'est-ce-que c'est, WhatsApp? C'est une messagerie, le SMS moderne qui passe par le réseau internet et permet d'envoyer des photos haute-définition, de créer des messageries de groupe et surtout de garder contact avec sa famille, ses proches qui sont à l'étranger. Je me souviens du temps où il fallait payer très cher pour appeler en Espagne, au Pérou ou ailleurs. Ces messageries-là sont gratuites. La contrepartie, c'est que WhatsApp appartient aussi à Facebook qui se rémunère avec des données qu'il collecte et, ainsi, vous cible et vous envoie de la pub. Plein de gens ont un groupe famille sur WhatsApp, où l'on met les oncles et tantes, les papis, les cousins, on met tout le monde. Ça peut vite être, ou la foire d'empoigne, ou quelque chose d'illisible parce que, dès que l'on s'y connecte, on a 152 messages, les uns répondant aux autres et l'on ne sait plus ce qui se passe. Il y a des petits désagréments mais, en même temps, ce sont des outils utiles au quotidien.

Autre intérêt de ces outils-là, même s'ils sont détenus par des grandes multinationales qui captent nos données et font de l'argent sur notre dos, c'est qu'elles sont cryptées.

Sans être pour cacher les choses, il est important aujourd'hui de crypter ses communications de bout en bout. Ces outils-là sont cryptés, c'est-à-dire que l'on ne peut pas intercepter vos communications. On peut y voir des côtés négatifs : Daesh utilise ça. Ce n'est pas le caractère crypté qui fait qu'il y a des attentats. Ils n'ont pas attendu les messageries cryptées pour faire des attentats. L'outil ne fait pas la relation humaine.

 

Quelqu'un qui, sur Facebook, met les photos des échographies de son bébé et expose toute la vie de son enfant, de sa famille, c'est parce qu'il est comme ça dans la vie. On rencontre des gens qui, en cinq minutes, nous racontent qu'ils ont divorcé trois fois, qu'ils ont quatre gamins, qu'ils sont en dépression. Nous en connaissons des gens comme ça. C'est la même chose sur Facebook. Il ne faut pas se dire que les réseaux sociaux changent les modes de fonctionnement. On recrée nos réseaux, nos modes de fonctionnement dans les réseaux virtuels.

 

La communication sur internet peut donner vie à des projets

Toutes ces photos ont un point commun. Nous avons vu que ces réseaux pouvaient créer du lien ou entretenir le lien, avec WhatsApp par exemple, mais ils peuvent aussi donner vie à des projets. Ces projets ont été financés par du financement participatif. Lorsque je veux créer une ferme, que je veux passer mon élevage en bio, que je veux créer un magasin dans un petit village des Hautes-Pyrénées qui créera du lien social, dans lequel on pourra lire une B.D., on pourra prendre un café et acheter un pot de confiture de confection locale... Ces projets-là peuvent voir le jour grâce aux sites de crowdfunding, sites de financement participatif. Le principe est simple : on donne un peu, avec ou sans contrepartie. Se développent aussi les prêts en crowdfunding. Tout ça, ce sont des choses qui ne verraient pas le jour sans cette communication sur internet. Il existe des sites spécialisés comme "Mimosa", site spécialisé dans les projets agricoles. "Ulule" est un site français qui permet de financer des projets, parce que cela nous plait, parce que c'est près de chez nous, à côté d'un village de notre enfance... La communication des médias classiques ne donne pas de place à ces projets-là. Internet donne cette place-là, et permet de les financer. Vous connaissez sans doute "SOS  Méditerranée", lancée en 2015 par financement participatif. Ce financement participatif a permis de récolter plus de 274 000 € pour lancer la campagne, permettant de financer les premiers jours en mer pour sauver les migrants. 

 

C'est cela aussi la communication sur internet, ça n'est pas que des « fake news » et Donald Trump, heureusement. Malheureusement, ils prennent beaucoup de place et polluent ces outils.

 

L'observatoire des projets participatifs nous montre l'augmentation des fonds collectés. On double en deux ans (données 2017). Vous voyez qu'il y a de nombreux projets qui sont financés. Il y a des projets de l'Economie Sociale et Solidaire, il y a des projets de PME, de Start-up. Qui communique via ces plateformes pour récupérer de l'argent ? Le secteur économique prend beaucoup de place, mais le secteur social et le secteur culturel ont aussi des projets financés grâce à ces outils de communication, car ce sont de vrais outils de communication. Encore une fois, quand on a une épicerie qui ouvre dans un petit village, faisant vivre un agriculteur local, où le boulanger passe à nouveau alors qu'il ne passait plus, où l'on peut venir boire un café et discuter, se retrouver, jouer aux cartes et lire un livre, ça crée du lien social et des relations sociales, ce qui serait impossible sans internet et ces outils. Cela n'est pas un cliché, cela existe dans les Hautes-Pyrénées, le Gers, redonnant de la qualité de vie à certains villages désertés ou aux petites villes qui ont du mal à sortir la tête de l’eau.

 

D'autres applications aussi : Blablacar, Leboncoin, ce sont des services qui vous parlent. Ce sont des outils de communication : Blablacar, Leboncoin m'envoient des notifications sur mon téléphone. Quand je suis dans la voiture pour faire Toulouse-Lille ou Tarbes-Lille, il vaut mieux que je parle, sinon... 

Je m'arrête un peu pour passer aux ados, car je vois venir la question... « Oui, les ados, ils sont tout le temps sur leur téléphone, et c'est dangereux. Snapchat, on ne comprend pas ce qu'ils font... »  C'est normal que vous ne compreniez pas, c'est exprès : c'est pour cela qu'ils sont là, c'est pour que vous ne compreniez pas ce qu'ils font. Snapchat, c'est LE réseau social, avec Instagram, des jeunes de 13 à 25 ans. C'est un vrai réseau social. Ils s'envoient effectivement des centaines de messages par jour. Des messages courts, des photos, des vidéos, qui disparaissent ou non. C'est un mode de communication qui n'est certes pas le vôtre. Ça nous agace quand ils sont sur le téléphone toute la journée, moi le premier, alors que j'y suis tout le temps sur le téléphone... Mais ce sont des codes sociaux. Ils se rencontrent dans la vraie vie, ils ne sont pas que sur leur téléphone. Leur téléphone leur permet de fixer des points de rencontre, d'échanger sur ce qu'ils ont vu, d'échanger sur tel et untel. Bien sûr, il y a des dérives, vous les connaissez, donc on ne va pas s’étendre. 

 

A droite, on a les activités dans les réseaux sociaux, à gauche, les autres activités : 44% concernent les réseaux sociaux et le reste concerne les autres activités. Vous allez me dire que les autres activités, ce sont les jeux vidéo. Effectivement, si on ajoute les jeux vidéo, ça fait beaucoup d'écrans. Mais dans les autres activités, il y a aussi : aller ne rien faire avec ses copains, c'est une activité ; il y a aussi aller au ciné, et autres activités propres aux ados. On a envie d’entrer en contact avec eux, sans toujours y arriver. Nous, parents et adultes, on a envie d’entrer en contact direct. Quand on ne comprend rien à Snapchat, c'est compliqué.

Mais nous ne sommes pas les seuls à vouloir entrer en contact avec eux. Il y a les médias, il y a les marques. "Le Monde", par exemple, qui développe plein de choses sur le numérique, s'est lancé en  2016 sur Snapchat. Ils ont été parmi les premiers média à se lancer sur Snapchat. Snapchat, c'est l'application où l'on peut se faire des oreilles de chat, tirer la langue, etc... Mais ce n'est pas que ça, il y a aussi toute une partie où l'on peut avoir de l'information. "Le Monde" est allé sur Snapchat pour toucher les 15-25 ans qui ne lisent pas le journal. Ils ont complètement reconstruit leur manière de communiquer et de transmettre de l'information. Un journaliste, un infographiste, un développeur, un vidéaste ont travaillé pendant 6 mois à blanc, l'objectif étant de faire une édition quotidienne du Monde sur Snapchat qui s'adresse aux jeunes. Pas une édition juste sur les chats qui dansent sur la table et qui sont trop mignons. C'était parler du Brexit, de Trump, mais en parler avec des mots et une manière compréhensibles. Ils ont réinventé toute la communication journalistique, toute la manière de transmettre l'information à ces jeunes. Des choses toutes bêtes : les infographistes avaient l'habitude de faire de l'infographie horizontale ; ils ont dû repenser leur système, parce que Snapchat, c'est sur le téléphone portable, donc c'est vertical. Les journalistes ont repensé leur manière d'écrire pour que l'information arrive aux destinataires qui étaient les 15-25 ans. Ce qui est encore plus fabuleux, c'est que cela est gratuit et que c'est un vrai succès pour ‘’Le Monde" parce que le temps de connexion sur Snapchat est jusqu'à 5 minutes par édition. 5 minutes sur internet, c'est gigantesque. Il faut moins d'une seconde pour décider si l'on reste ou pas sur une page web. Moins d'une seconde et, en moyenne, on reste une minute sur un site. Quand un jeune de 15-25 ans, dont on dit qu'il ne s’intéresse à rien, reste 5 minutes sur une application où on lui parle du Brexit, de Donald Trump et de l'Union européenne ou des migrants, c'est phénoménal. 

 

Tous ces outils permettent cela si on les utilise bien. Si on les utilise comme des outils, on peut  réinventer les choses et communiquer mieux.

 

Nous sommes surchargés, nous recevons des milliers de notifications en permanence sur des choses qui ne nous intéressent pas. Mais ces outils de communication permettent aussi de créer de belles choses. Les « Panama Papers » ont été créés et sont sortis grâce au travail d'associations de journalistes qui communiquent via des plateformes sécurisées, qui échangent leurs données sur ces plateformes sécurisées et ensuite transmettent ces informations au public. Autre chose encore, les « Forbidden stories » : un consortium de journalistes ayant constaté qu'un certain nombre de journalistes étaient en danger dans certains pays, risquant leur vie pour des enquêtes. Certains journalistes risquent leur vie, parfois perdent leur vie en raison de leur enquête, en voulant fouiller un peu trop loin. "Forbidden stories" est un service de journalistes qui reprennent l'enquête. Des journalistes travaillant dans des pays compliqués, dans lesquels leur vie est en danger, mettent tous leurs documents à disposition et échangent avec des journalistes internationaux via internet. S'il leur arrive quelque chose, des journalistes internationaux dans des pays sûrs pourront reprendre l'enquête. La communication par internet, c'est aussi cela, ce type d’initiative.

 

Je terminerai par ceci. Tout cela a des implications fortes dans notre quotidien, parce que l'on est déconcentrés, parce qu’on est tout le temps sur notre téléphone, tout le temps sur des écrans et que cela n'est pas bon. Nous le savons, il faut se réguler. 

 

Cela a aussi des conséquences dans le travail. J'intervenais, il y a quelque temps, dans une entreprise sur le thème de la communication dans le travail. Un des exercices consistait à réagir à cette proposition : « Vous recevez un mail de votre supérieur à 23 h 22, il vous reproche un travail non terminé alors que vous avez trimé toute la journée et qu'en plus c'est votre collègue qui est responsable du retard. Comment réagissez-vous? ». Ils réfléchissent et me disent : « On prend du recul, on prend un quart d'heure pour réfléchir, et l'on répond (à 23h 40) en expliquant que le travail que l'on a fait, etc... ». N'y a-t-il pas un problème? Est-ce normal que vous receviez un mail du travail à 23 h ? Et qu'en plus vous le lisiez et que vous y répondiez en vous justifiant ? Dans la relation au travail, si on a un supérieur un peu insistant... c'est vite fait de regarder le téléphone. On jette un œil sur nos mails avant de se coucher, moi le premier... Le mail, c'est le début de la relation au travail. On reçoit énormément de mails aujourd'hui. Et l'on va encore plus loin. Nous avons cette injonction du temps réel. Il nous faut répondre tout de suite. C'est souvent une injonction que l'on se fait à  soi-même, très souvent. Interrogez vos pratiques et demandez-vous pourquoi vous répondez tout de suite. Il faut mettre en place des méthodes de travail dans lesquelles il est admis que l'on réponde de telle heure à telle heure à nos mails.

 Les mails, ce n'est que le début, parce qu'aujourd'hui, on va plus loin avec des applications de messagerie interne. C'est justement pour se passer du mail qui nous pollue. C'est comme WhatsApp, on s'envoie des messages et on a différents groupes. Je suis dans le projet A, dans le projet B, et je peux discuter avec des gens partageant ces projets. Malheureusement, du coup, on en perd les codes de la relation à l'autre. Car, comme c'est un flux continu de discussions, on ne dit plus bonjour ni aucune formule de politesse qui sont importantes. Une petite anecdote véridique à ce propos : la femme d'un gérant de camping aide son compagnon à gérer le camping au fin fond de l'Hérault. Partageant un groupe de discussion avec une employée, elle s’aperçoit qu'elle est en train de travailler sur une tâche en même temps que cette employée. Elle envoie donc un message, sans bonjour ni autre formule d'introduction : "Laisse tomber, je m'en occupe". Cela lui paraissait vraiment anodin, au seul service de l'efficacité. Mais l'employée l'a très mal pris, a failli démissionner, parce qu'elle avait eu l'impression d'avoir été agressée. Ceci pour vous montrer que tout cela influe sur les relations au travail.

 

Pour conclure, j'aimerais que vous ayez en tête que l'on ne doit pas prendre l'outil pour autre chose qu'un outil. Si demain, vous achetez un marteau et qu'avec ce marteau, vous cassez la tête de quelqu'un, ce n'est pas la faute du marteau mais la vôtre. C'est la manière dont on utilise ces outils, c'est la manière dont on communique qui est importante. Je m'arrête là et je vous laisse poser vos questions. Merci.

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