LE FESTIN DE BABETTE

 

Un conte de Karen Blixen fournit le savoureux scénario de ce film, qui connut une carrière étonnante. En 1871, une Française chassée par la Commune trouve refuge au Danemark, dans un village très pieux. Les deux filles du défunt et vénéré pasteur prennent Babette à leur service, mais, au bout de quatorze ans, elle s'apprête à les quitter en leur préparant un inoubliable festin... Il y aura douze personnes à table, autant que d'apôtres. Et Babette offre avec ce repas la part la plus belle de son histoire : « Prenez, ceci est ma vie », semble-t-elle dire... La symbolique religieuse rencontre ici celle de la chair fraîche : les mets, diablement sophistiqués, ont le goût de toutes les tentations. C'est soupe de tortue contre cantiques, nourritures terrestres contre nourritures spirituelles... Le duel se joue cependant dans la douceur et la subtilité.


La nostalgie rassemble les personnages, qui ont tous le regret d'un amour qu'ils ont laissé passer. Dans la communauté priant pour l'éternité, le festin rappelle que les bonheurs éphémères, qui font tant souffrir, peuvent aussi être des miracles. Gabriel Axel met en scène cette histoire avec un fin plaisir, tout comme Stéphane Audran l'interprète : elle est divine. — Frédéric Strauss (Télérama)


 Paul DIMAdirecteur de l'ISCAM de Toulouse

animera la discussion après la projection.


Il nous avait fait parvenir ces notes :

    A la fin du siècle dernier. Babette Hersant fuit la répression des communards français et émigre au Danemark. Là, elle entre au service de deux sœurs, Martine et Philippa. Filles d'un pasteur luthérien décédé, les deux jeunes femmes perpétuent la tradition religieuse rigoriste de leur père. 14 ans plus tard, Babette apprend qu'elle a gagné une somme importante à la loterie. Refusant d'utiliser cette somme à son seul profit, elle décide alors d'offrir aux pieux villageois et à ses bienfaitrices un repas somptueux "à la française" pour les remercier de leur hospitalité et commémorer le centenaire de la naissance du pasteur. Ce projet de festin scandalise la communauté dévote qui voit dans le consentement aux plaisirs, ici celui de la nourriture, la porte ouverte de l'enfer.

Tandis qu'elle prépare des mets succulents et rares, par fidélité à la religion prêchée par le pasteur et farouchement défendue par ses filles, les invités conviennent de n'accorder aucune attention à ce qui leur sera servi. C'est compter sans la grâce des mets et vins succulents qui, à leur corps défendant, vont progressivement amener les convives à retrouver leur humanité longtemps muselée sous les interdits rigoristes. Peu à peu l'alcool aidant, les visages se décrispent, la parole se fait plus vraie, de vieilles rancunes trouvent un chemin de pardon et des histoires d'amour interdites peuvent enfin se dire dans la paix.

La mise en scène remarquable de Gabriel Axel à partir d'une nouvelle de la romancière Karen Blixen est une véritable parabole sur le don de soi. Il raconte de façon merveilleuse le geste gratuit de Babette qui, par ce repas préparé en investissant tout son avoir, réussit le miracle de guérir les anciennes blessures et d'unir tous les convives que la rigueur religieuse avait jusqu'ici emmurés.