11 mai 2004

Une société en panne d’avenir ?



Jean-Claude GUILLEBAUD, grand reporter, essayiste, éditeur

Texte de la conférence :


      Je viens vers vous avec plus de questions à débattre que de réponses à vous offrir. Je ne suis professeur de rien : je n’ai aucun message particulier à délivrer, rien à enseigner

Sous l’influence de personnes que je respecte beaucoup comme Michel Serres ou Edgar Morin, j’essaie de faire un travail interdisciplinaire pour essayer de répondre de livre en livre à la seule question qui m’intéresse : qu’est-ce qui nous arrive ?

Il est clair qu’il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour s’apercevoir qu’on est engagés en profondeur depuis 20 ans dans des changements prodigieux dans notre histoire, et qu’on a parfois tendance à minimiser.

Il faudrait pour s’en convaincre prendre quelques exemple de ce qui se produit en ce moment, et qui montre que ce que nous vivons est aussi important que la fin de l’empire romain, qui a vu s’écrouler un monde vieux de 1000 ans, ou que la Renaissance 1000 ans plus tard qui a vu s’écrouler la chrétienté médiévale, ou encore que le siècle des lumières.

Ce que nous vivons actuellement est une immense révolution, une mutation d’ensemble. Ilya Prigogine, Prix Nobel de chimie, mort il y a deux ans, parlait de « bifurcation » : c’est à la fois l’écroulement d’un monde, avec tout ce que cela implique de frayeur, de perte de repères, mais c’est en même tps le surgissement d’un monde nouveau qu’on a de la peine à appréhender, d’où le fait que la peur l’emporte sur les raisons d’espérer. 

Gandhi disait déjà cela : « Un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit, mais une forêt qui germe ne s’entend pas. » C’est l’impression que nous donne la période où nous nous trouvons.

De livre en livre j’essaie de prendre le problème par tous les bouts en essayant de voir comment on y réfléchit dans les différentes disciplines du savoir, la sociologie, l’économie, l’anthropologie, l’économie politique, la théologie, en essayant de résister à ce que Serres ou Morin ne cessent de dénoncer depuis très longtemps sous le nom de parcellisation du savoir. La connaissance devient très complexe, chaque discipline a tendance à réfléchir dans son domaine, et qui explique cette réflexion un peu provocatrice de Michel Serres : « Notre problème, c’est la parcellisation mais elle est tellement grave qu’il il faut nous faire à l’idée que va surgir un type anthropologique nouveau : le Prix Nobel analphabète ». Et il est vrai que les Prix Nobel que l’on voit, surtout ceux qu’on invite à la télévision, c’est pour leur demander leur avis sur le mariage homosexuel, sur lequel il n’a en général aucun savoir particulier ! Pour ma part, j’essaie tant bien que mal de relier des connaissances, d’être le messager de différents savoirs.

Pour cette question de l’avenir, je voudrais démontrer qu’elle est centrale, loin de toute sentimentalité ou de tout regret. Je voudrais vous convaincre qu’on est au centre de tout ce qui nous constitue depuis 2500 ans. Je n’ai pas dit 2000 mais 2500, et j’expliquerai pourquoi tout à l’heure.

Je suis parti de deux sentiments que chacun éprouve comme moi :

1. On dit toujours, voir la presse, « nos sociétés n’ont plus de projet, plus de dessein collectif, ne savent plus où elles vont ». Il est vrai que nous avons de plus en plus l’impression de ne pas être dans un projet mais dans une gestion pragmatique, un peu myope, au jour le jour, du présent. Et que les grands desseins collectifs, c’était vrai hier, ce ne l’est plus. Prenons l’exemple de l’Europe, qui pose des tas de problèmes, mais avant tout, il n’y a pas de projet européen, il y a des procédures, il y a le souci d’éviter les guerres entre les pays d’Europe. Mais n’aurait-il pas suffi pour cela que ces pays soient, chacun de son côté, une démocratie ? Toute l’ambiguïté du débat européen tient à cela : nous n’avons plus de projet. C’est vrai au stade de l’Europe, au stade des états nations, des régions, des communes, nous ne sommes plus capables de définir des projets collectifs qui nous tirent en avant.

2. Un sentiment qui va de pair mais qui reste stupéfiant,est l’impression que nous n’avons plus de prise sur le cours des choses. On nous répète tout le temps, aussi bien la droite que la gauche, depuis 20 ans, « Il n’y a pas d’autre politique possible, il n’y a rien à faire, il n’y a pas d’alternative ». Mme, qui est la personne qui a le plus répété cela au point que ses adversaires travaillistes l’avaient baptisée Mme TINA, There Is No Alternative !

Une bonne part de la crise de la démocratie, ponctuée sporadiquement de bouffées de populisme et d’une désaffection des citoyens vient de ce sentiment d’impuissance. Comment convaincre les gens d’aller voter si on continue le scénario immuable : les gens à peine élus nous disent « on peut rien faire ». Il y a un sentiment d’exaspération assez compréhensible : « Si vous pensez qu’on ne peut rien faire, alors pourquoi faire de la politique ? ». Et cela porte sur des choses très concrètes et précises. Quand des sociétés délocalisent ou éliminent 1000 postes de travail simplement pour faire monter le cours des actions, rappelez-vous, c’était le cas à Vilwoorde, Lionel Jospin s’est tourné vers les français pour leur dire : « On ne peut rien faire ». Quand il s’agit des progrès de la techno-science ou de fixer des limites sur le clonage thérapeutique, on se retourne vers nous en nous disant : « On ne peut rien faire, si on ne le fait pas nous, d’autres le feront ». Quand il s’agit de réfléchir au crétinisme médiatique, de plus en plus préoccupant en Europe, on a l’impression que ce empire est de toute façon incontrôlable, qu’il est livré à ses propres lois, de l’argent, de la concurrence. Et là encore, les spécialistes des média, les gens les mieux intentionnés, peuvent à nouveau nous dire : « On ne peut rien faire ».

Ce sentiment est assez oppressant en définitive. J’avais pour prof de droit à Bordeaux Jacques Ellul, pour définir ces mécanismes qui ne laissent plus de prise à la volonté humaine, avait une formule, celle de « processus sans sujet » : elle traduit l’impression que nous ne sommes plus que les jouets de tels processus sans sujet, sur lesquels la volonté humaine n’a plus de prise.

Ce thème est récurrent dans les débats. Il est pris parfois avec humour, qui peut parfois la meilleure façon de faire comprendre en profondeur de quoi il s’agit. Il n’y a pas longtemps, dans le « Courrier International », il y a eu un petit article traduit du danois, assez drôle, évoquant de thème de l’impuissance : « Puisqu’au fond nos hommes politiques nous répètent tout le temps qu’on ne peut rien faire, pourquoi ne pas remplacer les ministères par des répondeusr automatiques, et comme le plus coûteux est celui de la Défense, remplacer ce ministère par un tout petit répondeur qu’on peut acheter pour très peu cher, qui dirait simplement un tout petit message « On se rend ». »

Cela dit bien le sentiment très étrange qui nous habite, sentiment que nous n’avons plus de projet ni de prise sur le cours des choses. Nous serions comme il y a plusieurs millénaires, livrés au destin, à la fatalité inexorable, qui voit le règne du plus fort, du plus riche, du plus malin. Et que nous n’aurions rien d’autre comme destin que cela.

Je suis parti de ces deux sentiments ; et je me suis dit : comment se fait-il que quand je lis des économistes, des sociologues, des psychanalystes, quand je me plonge dans ces différentes disciplines, je retrouve sans arrêt ce thème de l’effacement de l’avenir, du dérèglement de notre rapport au temps, de l’hypertrophie du présent. Comme si aujourd’hui le présent avait pris toute la place, au détriment de toute la tradition, c’est-à-dire du passé, et du projet, c’est-à-dire de l’avenir. Pour employer une image : il y a encore 30 ans, on pouvait représenter le temps comme un sablier, le présent est l’endroit resserré. On était gouvernés par le passé, l’héritage et la tradition reçus, l’éducation, les normes la tradition, et tirés par et vers un projet collectif. Le présent n’était que l’endroit où l’on passait du passé au futur.

Aujourd’hui, on devrait dessiner non plus un sablier mais un ballon de rugby : le présent a pris toute la place, nous sommes dans des sociétés, en caricaturant un peu, sans souvenir et sans projet, tout entières abandonnées ou dévouées frénétiquement au présent, avec u navenir qui s’est effacé.

Quand on lit les économistes, JP Fitoussi professeur à Sciences Po et Président de l’Office Français des Conjonctures Economiques, parle de « dépréciation du futur », au bénéfice du présent. 

C’est une étrange situation : est-ce qu’une société peut vivre sans projet, sans ouverture vers un futur valorisé ? Un futur qui promette quelque chose.

Pour y aller de manière plus progressive, la question est de savoir pourquoi on en est arrivé là, pourquoi en 2004 a-t-on tant de mal à se convaincre qu’on peut agir sur notre histoire, et pourquoi nous avons au fond congédié le futur au profit du présent et de l’immédiateté ?

La question de savoir pourquoi nous sommes entrés dans un deuil de l’avenir n’est pas très difficile. Je suis convaincu que ce n’est que provisoire, et pour simplifier les choses, on peut dire que il y a quatre raisons fondamentales qui se sont rajoutées, et qui crèvent les yeux

1. Première raison, assez terrible, la leçon de l’histoire. Nous sommes sortis du XX° siècle il y a seulement 4 ans. La vraie fin pour les historiens, est 1989 avec la chute du communisme. De même il n’avait pas commencé en 1900 mais en 1914 avec Sarajevo, matrice infernale d’où tout le reste est sorti. Essayez de vous souvenir, il y a 4 ans, dans tous les média, comment on a jeté un regard rétrospectif sur ce siècle, un  regard largement gouverné par l’épouvante : 1914-1989, en 75 ans, 2 guerres mondiales, 2 totalitarismes, un rouge et un brun, Hiroshima, la Shoah, les guerres coloniales, en si peu de temps, c’est extravagant. Peu de siècles dans notre histoire auront été aussi sanglants et impitoyables. Et des centaines de millions de morts… Quand on y a réfléchi, ce n’est pas seulement le quantitatif qui nous a épouvantés, c’est le fait que toutes ces morts, tous ces crimes, toutes ces tyrannies, ont été accomplies au nom des promesses du futur, au nom d’une volonté d’améliorer le monde, au nom de l’avenir radieux comme on disait sous Staline, au nom de la cité communiste idéale, ou au nom du triomphe de la volonté, titre choisi par Hitler pour le film de Leni Riefenstal sur Nuremberg, triomphe de l’homme sur son histoire.

On est sortis de ce siècle, non seulement abasourdis par les massacres, mais surtout conscients que tous les idéaux fondant l’optimisme du XIXème siècle s’étaient trouvés déshonorés, disqualifiés, instrumentalisés par les tyrannies, d’où le réflexe collectif (voir tous les romans), n’intervenons plus sur l’histoire, méfions nous des grands projets collectifs, voyons où cela nous a menés, défions-nous des châteaux en Espagne pour justifier à nouveau des Goulags, des régimes policiers, etc.

C’est la tonalité du discours qui a dominé en cette fin de XXème siècle, surtout après la chute du mur de Berlin : « Ne touchons plus à l’histoire, moins on y touchera mieux cela vaudra ». C’est un discours de retrait, de rétractation. L’heure n’a plus été à fonder de grands projets sur l’avenir. Nous avons porté ce deuil. Nous avons porté un crêpe noir et nous l’avons encore ; c’est le deuil du volontarisme politique, de l’action, de la conviction qu’on peut améliorer le monde.

Cette leçon de l’histoire reste puissante. Elle a créé une sorte d’effet de souffle. On sort du 20° siècle avec la gueule de bois idéologique.

2. Une seconde explication s’impose toute seule et s’ajoute. Même si elle est d’un tout autre ordre, elle s’est passée en même temps, c’est la prise de conscience écologique, une immense révolution mentale que nous avons vécue au cours des 20 dernières années. Et Dieu merci !, nous avons pris conscience que la terre était fragile, que les entreprises de l’homme, ce rêve prométhéen de transformer le monde, de percer les montagnes, de changer le cours des fleuves, de créer des villes, etc., met en péril non seulement les autres hommes mais la terre elle-même. C’est tout récent, la prise de conscience du trou dans la couche d’ozone, du réchauffement, de la pollution, des pandémies, des atteintes à la biodiversité… : une immense conscience collective est née, jalonnée par quelques livres fondateurs, tout l’œuvre de Jacques Ellul, par exemple « La technique ou l’enjeu du siècle », où il avait prévu dès 1954 que le débat du siècle ne serait plus entre le communisme et le libéralisme mais entre la technique et la démocratie. Et celui du grand philosophe allemand Hans Jonas, « Principe de responsabilité », sur la prise de consciences de la fragilité de la terre. Il faut citer aussi E. Morin avec « Terre patrie » ou Michel Serres avec « Le contrat naturel », qui nous lie à la terre elle-même. Cela a changé nos représentations collectives. Je ne parle pas du mouvement écologique, ni de la politique : tout d’un coup s’et imposée l’idée que nous étions les conservateurs de la terre, responsables de sa survie. Cela s’est traduit assez vite dans le droit, avec le principe de précaution qui vient du droit allemand : il faut bien réfléchir aux effets pervers possibles de toute innovation technologique, et qu’il vaut mieux parfois s’abstenir que de courir le risque –risque non encore mesurables mais qui peuvent advenir.

Or ce principe est le contraire du principe d’action, il nou s incline à l’abstention, à la restriction, à la rétention. Il nous détourne du projet collectif, trop dévastateur, de Prométhée, il nous cantonne dans l’inaction et la méfiance de l’avenir

3. La troisième raison, sous-estimée, notamment dans le discours politique : il y a 30 ans en 1974, avec le premier choc pétrolier, puis en 1979 avec le second, on –tous les pays d’Europe, et les Etats-Unis aussi à leur façon- est entrés dans  une crise économique et sociale dont nous ne sommes toujours pas sortis, contrairement à ce qu’avait dit Giscard, à peine élu, en 1974. 30 ans après, lui est sorti de sa région, mais nous ne sommes pas sortis du tunnel ! Si on veut prendre la vraie mesure de cette troisième raison, on voit que quelque chose de fondamental a été changé dans notre tête. Nous sommes entrés insensiblement dans une société plus dure, plus impitoyable, même eux d’entre nous qui avons pas perdu notre emploi, et qui ne l’avons pas payé très cher. Pourtant, nous sommes entrés dans une société plus dure où les acquis sociaux fondamentaux étaient fragilisés, où l’Etat-Providence était remis en question, où la compétition devenait âpre, et surtout où le chômage de masse et la précarité s’installaient. C’était inimaginable que l’on soit entrés dans une autre société en dépassant les trois millions de chômeurs, quelques années à peine après que Pompidou ait déclaré en 1970 : « Si en France on dépasse un jour 400.000 chômeurs ce sera la révolution ».

Nous avons eu du mal à comprendre qu’en réalité qu’on sortait d’un grand cycle historique, que nous avions vécu sans nous en rendre compte, un cycle où la croissance était assurée génération après génération. Depuis la fin du XIXème siècle, si l’on met à part les deux guerres mondiales, et surtout au cours de 30 glorieuses, 1945-1975 avec une forte croissance en Europe, et où nous en tant qu’Européens en une génération on a vu notre richesse multipliée par quatre. Aucune société avant la nôtre n’avait connu un enrichissement aussi rapide. C’était inégalement partagé, mais globalement, nous nous sommes enrichis de manière pharamineuse. Michel Albert, ancien commissaire au plan, comparait avec l’Espagne lors de la conquête du Nouveau Monde au 16ème siècle, avec les galions qui revenaient chargés d’or (voir les tableaux de Velasquez), et notre enrichissement a été bien supérieur à celui-là ! De manière forte, presque génétique, on avait intégré dans nos neurones l’idée toute simple que demain sera mieux qu’aujourd’hui et qu’aujourd’hui est mieux qu’hier. Nous l’avions intégré parce que c’était vrai !  Et pas seulement en termes de pouvoir d’achat, mais d’espérance de vie, de soins, de protection…

L’avenir tenait ses promesse, il était valorisé, surtout au niveau des générations. Chaque famille française, même la plus démunie, avait une conviction : « Mes enfants vivront mieux que moi ». Ils auront des tâches moins pénibles, ils auront plus de loisirs, ils seront mieux  soignés,  … C’est cela qui est totalement changé. Demain à Tarbes, arrêtez 10 personnes et demandez leur s’ils croient que leurs enfants vivront mieux qu’eux. La majorité vous dira : « Moins bien… ». Nous en sommes tous convaincus. Je suis convaincu que mes quatre enfants vivront moins bien, avec un système de santé remis en question, de la précarité, de  l’anxiété, du stress, j’ai cette crainte comme toutes les familles en Europe. 

C’est un changement incroyable : pour la première fois, nous regardons l’avenir avec plus de crainte que d’espérance. Regardez en politique comment les rôles se sont inversés : celui qui veut défendre les acquis d’hier, par exemple contre la flexibilité (expression pudique !) passe pour un conservateur ou un immobiliste. La symbolique s’est inversée et cette crispation se traduit par une crainte de la réforme même si elle est faite à bon escient. Nous craignons l’avenir. Toutes ces causes font trois raisons déjà assez fortes. On se concentre sur le seul présent.

4. Une quatrième raison doit être juste citée car elles risque d’entraîner dans un débat idéologique. L’avenir s’efface, et la croyance que l’on peut améliorer les choses disparaît, est jugé utopiste d’écrire sur une banderole qu’autre chose est possible, alors que toute l’histoire de l’occident reposesur cette idée. Cela signifie idéologiquement qu’au sein même de la pensée libérale, il y a une forme de néolibéralisme qui s’accommode très bien de la disparition du projet collectif.

Parmi les pères fondateurs du libéralisme, comme Adam Smith, croyaient qu’un jour les mécanismes du marché allaient se substituer à ceux de la démocratie, que le marché pourrait un jour évincer le politique et le projet politique. C’est cet aspect qui se rajoute aux trois raisons historiques que j’ai évoquées. On a réédité les œuvres de Hayek, ce penseur du libéralisme qui se moquait de ceux qui voulaient construire le monde, qui pensaient qu’on pouvait avoir une action sur le cours des choses ; pour lui, il valait mieux s’en remettre aux lois automatiques du marché plutôt que de croire à la volonté démocratique et politique. 

C’est une pensée assez effrayante qui ne refait pas surface par hasard : on l’a rééditée, et des gens comme Alain Madelin se sont jetés goulûment dessus. C’est assez facile à comprendre, car cette crise qui nous assaille, cette précarité nouvelle, ce sentiment d’insécurité, ont quelques gagnants, il y a des gens contents que la démocratie soit désactivée. Aux informations ce matin à la radio, j’ai entendu le retour du thème « Augmentation vertigineuse du salaire des PG, 11% l’an dernier ». C’est emblématique. On a été incroyablement indifférents à l’augmentation des inégalités aux USA et en France. Avec Fitoussi on regardait les performances de l’économie US : au cours de 17 années, le PNB américain a connu une augmentation de 87% ! Lorsqu’on analyse comment a été partagé de surcroît de richesse, on trouve des choses que même l’Amérique ne pouvait imaginer, et n’avait jamais connues : il a été confisqué par 1% de la population. Et si on élargit, si on prend 80% de ce surcroit, il a été accaparé par 20% de la population. Une telle situation est sans précédent.

Si l’on regarde de combien se sont enrichis les 20% des américains les plus pauvres, ce qui n’est tout de même pas le lumpen-proletariat, pendant ces 17 ans, ils ont vu leur pouvoir d’achat diminuer de 14% !

Ces phénomènes inégalitaires, aucune société moderne ne les avait connus avant.

Autre exemple : le salaire des dirigeants d’entreprise. Je ne m’y intéresse pas par populisme mais parce que c’est un signal symbolique qu’une société s’envoie à elle – même, car il n’y a pas de milliers de patrons, ce sont des signes. En 94 dans la Trahison des Lumières, j’avais développé cette question à partir de textes américains du début du siècle, économiques et moraux (en Amérique,on aime bien mélanger les deux registres, on est bon chrétien et il faut faire de l’argent…). La question était de savoir jusqu’où accepter un éventail de salaire sans que ce soit immoral. Et  un certain Morgan avait fixé une sorte de norme morale qui est restée le consensus aux USA pendant assez longtemps, c’était de 1 à 20. C’est déjà beaucoup !, 1 pour le salarié et 20 pour le patron, c’est assez inégalitaire même par rapport au Japon où l’éventail est de 1 à 7. L’éventail de 1 à 20 a à peu près fonctionné aux USA jusqu’au milieu des années 60, et en 67, on ne sait pas pourquoi, l’éventail a commencé à s’élargir, et cela n’a pas été dans la rigolade. A la fin des années 70 on est passé à un rapport de 1 à 190, et au début des années 2000, le rapport le plus courant était de 1 a 500. Statistiquement, cela joue sur quelques milliers d’individus, mais symboliquement, sur le plan des représentations collectives, des valeurs partagées, ce que cela veut dire qu’un patron puisse être fier de toucher un salaire 500 fois supérieur à celui de son employé le plus mal payé ! Il y a même des caricatures : dans la société Disney, la salaire de M. Esner qui vient d’être viré par ses actionnaires, était dans un rapport de 1 à 8.500.

On disait : « oui, mais ça c’est les Américains ; chez nous, le pays de la Révolution, impossible… ». Détrompez-vous : cela a continué par les Anglais, où la presse conservatrice même s’inquiète des salaires indécents des chefs d’entreprise ; et en France, une commission parlementaire animée par des membres de la majorité de droite s’inquiète de constater que nous sommes en tête du mouvement pour l’Europe. 

C’est un exemple du glissement des représentations : qu’un patron soit fier de venir raconter cela à la télé même quand il fait de mauvaises affaire montre qu’on a réussi à déculpabiliser, non l’argent mais les riches. 

Il y a des glissements qui montrent que nous ne sommes plus dans le projet collectif, dans la construction de l’avenir. Ce sont des symptomes de notre fascination par la gestion du présent au jour le jour.

Pourquoi ai-je dit que cette question du temps et de l’avenir nous structurait depuis 2500 ans et non 2000 ?

Cette question du temps est centrale dans ce qui nous constitue. Les travaux des anthropologues nous montrent qu’il y a eu deux façons de se représenter le temps, deux rapports au temps. Paul Grimaldi « Ontologie du temps », montre cela. Chacune de ces deux façons entraînait des conséquences sur les manières de vivre, de vivre son histoire.

Première manière, les Grecs, Nietszche, le temps est rond, ce qui a été reviendra, nous sommes dans la circularité. C’est en relation avec la cosmogonie des grecs, influencée par le mouvement des astres, la pensée de l’éternel retour. Si vous croyez cela, vous ne pouvez pas avoir le projet de changer le monde, puisqu’il reviendra dans l’état où il était au départ. Vous êtes dans un destin, le fatum. C’est la tragédie grecque, on est inscrits dans le destin qui est fixé par cette circularité du temps. Etre sage ou intelligent, c’est alors s’adapter au monde tel qu’il est, soit par le stoïcisme soit par hédonisme-épicurisme. C’était l’idée dominante 5-6 siècles avant Jésus-Christ. Parce qu’alors font irruption les grands prophètes juifs, Ezéchiel, Jérémie, qui ont prononcé cette parole inouïe, subversive : « Le temps n’est pas rond, i lest droit ».

Deuxième manière donc : le temps est droit, enraciné dans une mémoire, il va vers un avenir, avec des conséquences sur la manière d’envisager la vie : le temps est droit signifie que l’homme est responsable du monde qui vient. Il y a de magnifiques formules dans le Talmud : « Il n’y a pas de destin pour Israël ». Le destin ne sera rien d’autre que ce que je ferai. Le destin, c’est moi qui le construis, c’est le refus de la fatalité, le refus de la tragédie grecque. Une autre formule remarquable, une traduction Talmudique du 4ème commandement : « Souviens-toi du futur ». Souviens-toi que tu es en marche, qu’indissolublement sont liés ton passé et ton avenir. Emmanuel Levinas a exprimé cette idée : « Nous nous sommes accoutumés à l’idée que le temps va quelque part ». Nous sommes donc co-responsables de la destination, de l’achèvement du monde. Nous n’acceptons pas d’ « abandonner le monde aux méchants » (Psaumes). Aux plus malins, aux plus riches, aux plus forts, à la puissance. Le christianisme est héritier du Judaïsme sur ce plan. 

Ce que nous chrétiens appelons « espérance », c’est la traduction de cet héritage. Il y a dans St Augustin des formules frappantes sur l’espérance, et de même dans l’histoire du christianisme vue par Marcel Gauchet. Les premiers temps, cette espérance concernait le monde à venir, la cité de Dieu et non la cité de l’homme. Mais à partir de l’an mil, avec les mouvements millénaristes, Joachim de Flore sur lequel Mgr de Lubac a écrit des choses magnifiques, c’est de ce monde-ci qu’il est question. L’idée su salut, ce n’est pas seulement dans l’autre monde, mais dans celui-ci, dont je me sens responsable. L’espérance chrétienne est directement politique, c’est de ce monde que je me sens responsable, c’est refuser que les pauvres soient opprimés par les puissants, ici et maintenant, tout de suite.

Dans ce contexte, notre héritage a été repris par les Lumières ; Condorcet, Diderot ou d’Alembert ont reformulé la même idée en la laïcisant, ils l’ont appelée le progrès mais c’est la même chose. Condorcet développer l’idée de la perfectibilité du monde et de l’homme. Tant qu’elle reste centrale, cela signifie que nous pouvons nous rendre maîtres de notre destin, que nous sommes organisés autour d’un projet. Le « goût de l’avenir » n’est pas de moi, c’est un emprunt au sociologue allemand Max Weber : « La démocratie, c’est le goût de l’avenir ». Pour que la démocratie ait un  sens, il faut que le citoyen ait le sentiment que nous pouvons, tous ensemble, construire l’avenir. Chez lui, ce n’est rien d’autre qu’une version laïcisée de l’espérance chrétienne.

En tant qu’éditeur, je constate l’apparition de très nombreux livres qui s’interrogent sur notre dérèglement de notre rapport au temps depuis 4-5 ans. Celui de Zaki Laïdi « Le sacre du présent ». D’un philosophe, sur le messianisme juif, « Témoins du futur – Messianisme et politique » de Pierre Bouretz. De François Hartog, spécialiste de la pensée grecque,  « L’hégémonie du présentisme ». C’est notre vivre ensemble qui est en question.

Quatrième question, quand je fais des débats avec des jeunes, ils posent la question, très pertinente :

 « Pourquoi s’effrayer qu’on soit tout à fait concentrés sur le présent ? N’est-ce pas plus sage que de faire des plans sur la comète ? ». 

Il n’est pas simple d’y répondre, mais il est important de le faire, de montrer .. Comte-Sponville a fait un livre très hostile à l’espérance chrétienne, et dans un débat à la faculté de théologie protestante, j’ai essayé de lui dire, c’est qu’on a tort de faire semblant d’opposer bonheur présent et espérance future. Il est idiot de faire comme si l’espérance amputait eu quoi que ce soit le présent, comme si on se privait d’un bonheur pour le projeter dans l’avenir. C’est absurde ! Bien sûr, l’espérance se réfère au futur, mais elle se vit au présent. C’est u nsentiment que nous éprouvons au présent, même s’il concerne l’avenir. C’est là qu’il faut relire St Augustin. Loin de retrancher quelque chose au bonheur présent, l’espérance ajoute.. Un enfant de 10 ans le comprendrait. Une société qui espère a son présent illuminé par cette espérance. Il faut à présent essayer de se poser de façon concrète la question suivante : qu’est-ce qui empêcherait nos sociétés de vivre sans espérance, modestement, dans le présent, en gérant tranquillement les problèmes de démocratie, de sécurité, nous détournant des grands projets globaux et collectifs ?

Et là, si je veux être honnête, je vais entrer dans l’opinion, la subjectivité, alors que jusqu’à présent j’étais dans le descriptif. Ma conviction est qu’une société ne peut pas vivre sans espérance, une société démocratique quelle qu’elle soit, ne peut vivre sans être tirée en avant par un projet collectif. Il est impossible de vivre enfermé dans le présent, socialement, culturellement, économiquement et politiquement :

-socialement : qu’est-ce qui nous permet de constituer une société entre nous, d’être autre chose que des égoïsmes placés à côté, des foules ? Ce qui nous permet de faire société, c’est une multitude de solidarités invisibles, qui nous relient, souvent de l’ordre du don de la générosité, de l’entraide, liens syndicaux, familiaux, politiques, associatifs, qui font que nous sommes mutuellement redevables les uns aux autres… qui nous attachent les uns aux autres, c’est le lien social. Et quand on regarde de près ces solidarités, elles ont besoin pour s’épanouir d’être inscrites dans le temps. Elles ne sont pas de l’ordre de l’immédiateté. La solidarité implique une dimension temporelle. La plus importante, qui nous structure depuis toujours, c’est la solidarité entre générations. Elle fait selon Tertullien « l’éternité d’une société, le flot cascadant des générations ». Elle peut prendre des formes rudimentaires : dans les bidonvilles de Calcutta on fait beaucoup d’enfants car c’est une manière de survivre ; sans enfants, dans un bidonville de Calcutta, on meurt quand on est vieux. Chez nous cela procède de la même idée, malgré les assurances vieillesse. Les parents font des enfants et les entretiennent jusqu’à l’âge adulte, c’est dans le projet que nous faisons pour eux. C’est pour cela que nous les éduquons, bien ou mal, c’est une autre affaire. Nous sommes inscrits dans un projet et quand ils se retournent vers nous pour nous entretenir, ils se retournent vers la tradition qu’ils ont reçue, vers une certaine idée du monde. Cette solidarité a besoin du temps. A partir du moment où le présent est le lieu unique, la solidarité fait place à la compétition, le problème n’est plus de savoir comment les générations vont être solidaires entre elles mais comment on va partager le gâteau. Le débat sur les retraites, c’est ça : comment va-t-on le partager entre vieux et jeunes, est-ce que les jeunes vont accepter de prendre tant de vieux sur leurs épaules ?  La solidarité se disloque enfermée dans le présent. La canicule d’Août 2003, je l’ai vécue un peu comme tout le monde, dans l’épouvante, 15.000 personnes décédées, on sait bien qu’il y a eu des causes objectives, et outre les causes administratives, la médecine elle-même a été prise de court : on a soigné l’hypertermie comme si c’était une simple déshydratation. Mais on ne m’enlèvera pas de l’idée qu’en plus, il y a beaucoup de vieux qui sont morts de solitude, y compris au sein des familles ; et dire cela, ce n’est pas, comme on l’a dit dans la presse, vouloir culpabiliser les familles. On décrit une évolution qui a disjoint les générations, qui a brisé quelque chose de l’ordre de cette solidarité. Et ma belle fille sénégalaise, pour elle c’était inimaginable qu’une société laisse mourir ses vieux, quelle que soit l’explication. Il y a bien quelque chose qui s’est déréglé. Ce rapport au temps n’est pas vivable socialement.

-culturellement : je pense de la crise de l’école, et dans toutes les sociétés développées. En général on met en avant le manque de moyens. Je ne sais pas si c’est l’essentiel. Les classes hétérogènes rendent peut-être les choses plus difficiles, il y a les problèmes de violence, mais ce n’est pas l’explication centrale. La crise de l’école que vivent toutes les société développées est une crise de la transmission. Il y a crise parce que nous ne savons plus quoi transmettre à nos enfants. Une société qui ne sait pas où elle va ne peut plus transmettre autre chose que des savoirs. L’éducation, c’est transmettre un certain rapport au monde, si l’on ne veut plus parler de valeurs. Et cela, une société qui ne se sent plus en marche vers un projet ne sait plus quoi transmettre. Péguy disait dans les Cahiers de la Quinzaine : « Quand une société ne sais plus s’enseigner, elle ne sait plus enseigner ». La question du rapport au temps est aussi présente derrière cela. L’enfermement dans le présent n’est pas viable culturellement.

-il n’est pas viable non plus économiquement. La question débattue aujourd’hui par les économistes, c’est : comment et pourquoi le système libéral est-il devenu fou. Pourquoi depuis l’effondrement du communisme, ce système s’est-il dogmatisé au point de se manger les bras lui-même ? Au sein de l’économie libérale, de plus en plus, ce qui prévaut, c’est le court terme. Le bénéfice immédiat plutôt que l’investissement, c’est la logique boursière plutôt que la logique industrielle. L’immédiateté fait loi au détriment du projet industriel. Les chefs d’entreprise sont les premiers effarés de cela. Quand on leur demande de servir 15% par an de plus à leurs actionnaires, dans des sociétés qui ne font que 2% de croissance et qu’il n’y a que 3% de croissance de la productivité, ils se sentent pris dans une logique de fous. Et la prévalence du court terme sur toute autre considération, c’est une logique de fous. J’espère que dans 50 ans, nos petits enfants se souviendront de Jean-Pierre Gaillard, se souviendront que nous étions des sociétés qui 20 fois par jour nous préoccupions avec anxiété de l’état du CAC 40 ! On se moque des sorciers africains qui jouent du tambour pour faire tomber la pluie, mais dans trois générations, on dira « comment ont-ils pu être si fous, si sots », nos sociétés frénétiquement attachées à ce tocsin, cette paranoïa collective ! Dans la grande presse, il est complètement ringard d’être chrétien, mais adorer Jean-Pierre Gaillard, cela ne pose aucun problème ! La palais Brongniart a remplacé Notre – Dame de Paris… On fait comme si la Bourse était le lieu de la raison et que le reste, les syndicats, les manifs, les projets, était de l’ordre de la déraison ! Mais il n’y a pas de lieu plus irrationnel que la Bourse. Savez-vous quel est l’un des paramètres les plus importants qui influent sur les actions qui composent l’indice Nikkei ? C’est l’horoscope chinois. Quand on sait que le PDG de telle entreprise est né le tant… On rit, mais il n’y a pas à rire. On sait que ce système libéral est le seul à fonctionner à peu près, et personne n’a envie de revenir au système bureaucratique à la soviétique, de refaire le Gosplan. Pour produire de la richesse, l’économie de marché est encore le système le plus efficace, certainement pas pour la distribuer. En revanche, pourquoi vouloir nous faire accepter un système qui est devenu fou ? Jospeh Stiglitz ou Georges Soro, ou Robert Reich, ancien ministre du travail de Clinton, tous disent que le système est devenu fou et qu’à force de vouloir étendre la règle de l’immédiateté du profit à tous les secteurs de la société, ce qui est programmé c’est la destruction de la société. On va rentabiliser les autoroutes, supprimer les lignes de chemin de fer, les services publics, les écoles, vous allez faire coloniser la société par des calculs à court terme, alors qu’une société se déploie dans le projet : l’enseignement, la cohésion sociale, ce n’est pas rentable….

-politiquement : l’enfermement dans le présent n’est pas viable non plus. La démocratie c’est le goût de l’avenir. Sans cela, la démocratie se disloque. Dans les années 60, on croyait que la démocratie était menacée de l’extérieur, par les chars. Maintenant, on s’aperçoit que la vraie menace, c’est qu’elle se décompose lentement, sans douleur, de l’intérieur. C’est ce que Pascal Bruckner appelait la mélancolie démocratique. Nous pouvons très bien, sans nous en rendre compte, sortir de la démocratie. Aux USA, il y a moins de la moitié des américains qui votent. Les pauvres ne votent plus. Chez nous, la pente de l’abstention se développe sur le long terme. Il y a une part de nous-mêmes qui serait prête à renoncer à être citoyen pour devenir consommateur-téléspectateur. Le caddie dans les grandes surface l’après-midi et Jean-Luc Delarue le soir. Pour le reste, des sociétés gouvernés par des processus sans sujets . La politique n’a plus de sens si on n’a pas tous la conviction qu’un autre monde est possible.

Au fond, pourtant, je reste optimiste pour des raisons précises. Tout ce que je viens de vous dire est effrayant, mais il vaut mieux regarder les menaces en face pour en triompher. Les menaces sont réelles. Nous affrontons des dangers dont le risque est le retour à une certaine jungle, une société dure, la désactivation de la démocratie, la technostructure devenue folle.. Mais nous aurions bien tort de croire que les générations précédentes n’ont pas affronté des dangers au moins aussi grands. Remontons quelques années en arrière : dans les années 60, nous étions convaincus que nous allions connaître l’Apocalypse nucléaire. L’équilibre de la terreur était très fragile. Le film anglais « La bombe » était interdit. Maintenant, on sait qu’on est passé à un quart d’heure de la guerre nucléaire au moment de la crise des fusées de Cuba, d’après le témoignage d’anciens commandants de sous-marins soviétiques. Une génération avant, avoir 20 ans en 1942, entre Pearl-Harbour et Stalingrad et le Reich installé pour mille ans.. Avoir 20 ans en 1920 en sortant du charnier de 14-18, au moment où l’Europe s’est mise à douter d’elle-même. Le continent de l’humanisme capable de produire cette boucherie, inimaginable et pour rien, cette chose qui a été la matrice dont sont nés le stalinisme et l’hitlérisme … Des mouvements comme le dadaïsme et le surréalisme traduisent ce doute, de cette défiance très profond face à l’avenir, cette défiance à l’égard de la pensée même. Le charleston était une maigre consolation… On pourrait remonter loin : voir les Confessions d’un Enfant du Siècle de Musset, après la Restauration et l’aventure Napoléonienne qui a coûté un million de morts à la France : il y a un climat de désespérance…

Dans chaque génération, on pourrait trouver autant de raisons d’espérer que de désespérer. Jean Monnet a une phrase qui renouvelle l’optimisme : « Le problème n’est pas d’être optimiste ou pessimiste, c’est d’être déterminé ». Je n’aime pas les visions d’Apocapylpse.  Elles ne sont pas vraies. Deuxième raison : les menaces sont réelles, mais je suis convaincu que nos sociétés sont infiniment plus actives, mobilisées, que ce que l’on dit. L’image que donnent les média des sociétés européennes est fausse. On a une image médiatique dévalorisée, du français moyen qui va à la Roue de la Fortune, alors que la vie associative n’a jamais été aussi intense, qu’il y a des milliards d’exemples de solidarités invisibles qui se sont reconstituées. Il y a des millions de gens dont on ne parle jamais mais qui se battent au créneau pour que les choses ne craquent pas. Si la société française avec 3 millions et demi de chômeurs n’a pas explosé, c’est à ces centaines de milliers d’anonymes qu’on le doit. Il y a une mobilisation forte dans la vie culturelle. Le crétinisme médiatique existe, mais dans le même temps il y a une vie culturelle intense, une créativité dans le domaine de la pensée avec des revues prometteuses, et que la politique est entrain de se réinventer d’une toute autre façon, avec les ONG, le mouvement altermondialiste, l’internet et les sites citoyens, avec une effervescence créatrice et une tout autre façon de voir l’avenir qu’en noir. 

Je donnerai en conclusion un phrase de cette magnifique romancière anglaise Arounda Tiroy, jeune femme combative : « Un vieux monde disparaît, un nouveau monde est entrain de naître. Quand tout est calme autour de moi, je l’entends déjà respirer ».


Débat : 

Question : 

Avec 1989 et la chute du communisme, un auteur comme Fukuyama propose avec un seul modèle, du moins le prétend-il, celui de a démocratie libérale, avec des illusions le modèle du libéralisme, mais c’est aussi pendant cette même période que se construit le concept de développement durable, aussi galvaudé lui aussi mais riche d’espérance. Est-ce là selon vous l’un des fondements du réenchantement du monde, un moyen de renouer avec les Prophètes que vous avez cités, où l’homme redevient responsable du temps qui vient ? Ou avec la Genèse 2, 17, « Dieu mit l’homme au milieu du jardin d’Eden pour le faire fructifier », mais le texte dit aussi « pour le garder ».

Jean-Claude Guillebaud : 

J’adhère à ce que vous venez de dire. Quelques remarques simplement : le livre de Fukuyama n’était pas sérieux. Beaucoup de gens ont fait remarquer dès le départ l’inanité de sa thèse. La « fin de l’histoire », cela voulait dire pour lui qu’un modèle de démocratie, l’économie de marché, allait s’appliquer partout. Or on a eu très vite un démenti. L’histoire ne s’est pas finie, elle s’est réveillée. Dans les premières années 90, j’ai passé 2 ans dans les pays de l’Est pour le compte du Nouvel Obs pour faire un journal de la chute du communisme. L’idée qui revenait tout le temps était que la banquise du communisme avait fondu, et que dessous, on avait retrouvé les mêmes problèmes historiques dans le même état, tels qu’ils avaient été congelés auparavant, au moment des traités de Trianon, de Versailles : l’histoire se remettait en marche, elle était loin d’être finie. Le développement durable, la réflexion sur le commerce équitable, font partie de l’invention du monde nouveau qui naît. Ils m’inspirent beaucoup d’espoirs, même si je suis méfiant face au caractère trop consensuel d’une notion comme « commerce équitable » pour ne pas être récupérée par le système, les agences de communication ou les grands publicitaires. Mais il y a beaucoup de choses prometteuses. De même pour le mouvement altermondialiste, dont je me sens assez proche malgré les disparités et contradictions énormes qui le traversent. Mais, pour suivre Edgar Morin, ce mouvement préfigure une citoyenneté planétaire –grâce à Internet en bonne part-. Il a pu rassembler des ONG asiatiques, africaines et latino-américaines. Ils ont été capables de créer ces réseaux-là, qui sont prometteurs, des indices de l’apparition de nouvelles formes d’action politique. Il faut donc le prendre au sérieux.

Question : 

On est tous coincés. Le chômage continuera d’augmenter sans arrêt, les machines remplacent les hommes. 

Jean-Claude Guillebaud : 

Je me méfie de ce thème de la machine qui remplace l’homme. C’est tellement vieux. Les canuts de Lyon qui brisaient les métiers à tisser. Je n’ai pas de réponse, je crois simplement que les machines ne pourront jamais faire certaines choses. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le chômage ….. Ceux qui n’ont pas connu le chômage n’ont pas connu la crise. Ils n’en ont pas souffert. Depuis 30 ans, notre pouvoir d’achat à continuer de croitre, sauf en 2001 ou en 1991. Collectivement, nous n’avons pas « connu » la crise, nous avons tous accepté que tout le poids de la crise soit reporté sur les 3 millions de chômeurs et leurs familles, 10 millions de personnes en gros, et en France, on a fait ce choix collectivement, de voir le fardeau de la crise, de la désespérance, porté par 10 millions de personnes. Mais il faut corriger : si nous n’avons par souffert arithmétiquement de la crise, on en a souffert psychologiquement. Voir les regards critiques actuels sur le management, avec ses thèmes, l’autonomie de chacun, la responsabilisation, on est revenu là-dessus. J.P. Le Goff, dans « Une Barbarie Douce », montre que ce discours nous a dissimulé une réalité que les inspecteurs du travail nous ont pourtant signalé, l’aggravation des conditions de travail dans les entreprises. Il n’y a pas besoin d’être à la CGT pour dire cela. Une aggravation des conditions, non physiques, mais psychiques, le stress, les angoisses liées au manque de compétitivité. Les hebdos font de grands dossiers sur le harcèlement moral, façon pudique de désigner les conditions de travail, bien plus dures. Ce durcissement ne se confond pas avec le chômage, il s’y ajoute. Je ne crois pas qu’on soit très heureux dans le monde des entreprises, il y a une angoisse sourde, avec le développement des pratiques antistress. Le concept de travail a été dévalorisé : celui qui travaille, est un privilégié. C’est un effet du chômage de masse : le travail, c’est un cadeau que la société lui fait, et non lui qui fait un cadeau à la société. Cela a contribué à déstabiliser le discours politique.

Question : 

Mais que proposez-vous ?

Jean-Claude Guillebaud : 

Je ne vais pas me dérober devant cette question impossible. Elle est souvent posée de manière terroriste. Chaque fois que quelqu’un se révolte, il y a toujours quelqu’un pour lui dire : « Qu’est-ce que tu proposes à la place ? ». C’est absurde, car il y a des moments où il n’y a qu’à dire « non ». Dans « Le Chagrin et la Pitié », on voit deux frères agriculteurs qui ont choisi d’entrer en résistance dès le premier jour de la débâcle. Ils ont dit : « On n’avait pas de projet, on savait qu’il fallait dire non ». Deuxième remarque construire l’avenir ne signifie pas le prévoir. Il faut être lucide et pragmatique. Pas un grand spécialiste, qu’il soit philosophe, économiste, géopoliticien, ne peut vous dire ce que seront nos sociétés dans trois ans. Nous sommes entrainés dans des changements qui affectent l’avenir d’une grande part d’imprévisibilité, d’incertitude. Il faut inventer une posture d’espérance, une volonté d’être debout et non assis. Dire « dans 10 ans la société française sera comme ça » c’est absurde. Voir les trois révolutions (informatique, génétique, économique) : on n’est pas encore capables de savoir où ça nous mène. La révolution informatique a commencé en France il y a 25 ans. Elle a tout changé : cartes de crédit, téléphone portable, Internet intégré à nos vies quotidiennes de manière inimaginable… C’est comme si un sixième continent avait surgi et s’était ajouté aux cinq : le cyber-espace, Internet, qui est partout et nulle part, qui bouleverse les concepts de temps et d’espace, il s’accroit chaque jour vertigineusement ; on ne sait pas l’organiser, on n’y a pas encore installé le droit, la démo, et c’est vers lui que sont entrain de se déplacer toutes les activités humaines (communication, cinéma, musique, loisirs, musées, la médecine). Personne ne sait ce qu’il va advenir de cet espace virtuel, qui va devenir déterminant. Quant à la rapidité de cette révolution, Il y a 20 ans il fallait deux grandes pièces pour loger un ordinateur qui faisait ce que fait une calculette de poche aujourd’hui. Gordon Moore, ingénieur dans la Silicon Valley, l’un des créateurs de la société Intel, auteur de la loi du même nom, a montré que les performances des micro processeurs doublent tous les 18 mois. Achetez un ordinateur en Janvier, il est périmé en Juillet. Et ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend dans les quatre ans. Dans le rapport récent de JP Dupuy, professeur à Polytechnique, dans quatre ans, avec l’apport des nano-technologies, on devrait pouvoir multiplier par un million les capacités des micro-processeurs, toutes les applications possibles de l’informatique, alors que déjà aujourd’hui, avec le GPS, les images virtuelles, etc., on voit que l’on va être introduits dans un univers que personne ne peut décrire. Il serait absurde de faire des programmes politiques construits dans un univers où les changements vont plus vite que la pensée. Le terme de programme n’a plus de sens. Ce qui en a, c’est de raisonner en termes d’attitude, de regarder en face les combats, les affrontements, les alternatives qui se présentent au fur et à mesure, dans tous les champs, et de se positionner. Voir la question des OGM, elle y a eu dissimulation de choses graves. Mais personne ne peut dire ce qu’on va faire avec ou sans OGM. Voir aussi le rapport multilatéral sur l’investissement. Il faut être citoyen, il faut être capable de se lever, de ne pas gober la pensée toute faite.Il faut être dissident. Il faut ouvrir sa gueule ! (applaudissements)

Question : 

Il y a un facteur de la perte d’espérance dont vous n’avez pas parlé : le facteur démographique. Cette perte d’espérance se trouve peut-être uniquement dans nos sociétés trop satisfaites, avec une perte de la fécondité, alors que dans  d’autres sociétés… Le facteur démographique est-il effet ou cause ?

Jean-Claude Guillebaud : 

La question est passionnante. Dans la démographie, il y a une part d’énigme : est-elle cause ou conséquence ? On ne le sait pas. C’est à la fois l’un et l’autre. La société la plus dynamique  avec le plus fort taux de croissance est la Chine or c’est celle qui a le plus drastiquement réduit sa croissance démographique, avec les aspects choquant que l’on connaît, l’infanticide des petites filles, -or elle connaît un taux de croissane qui avoisine les deux chiffres. L’institut national d’études démographique, créé par Alfred Sauvy, nous aide à relire le passé. Au XIXème siècle, on a eu peur de ne pas faire assez d’enfants, et on s’est mis à faire un politique nataliste. C’est quand une société se sent vulnérable, perd confiance en elle, qu’elle se met à faire des enfants. Cela peut faire partie d’une attitude de repli. Mais aussi en Israël en 1948, le taux de natalité a été incroyable. Donc, ce n’est pas une science exacte. On ne sait pas pourquoi la natalité Française a commencé à remonter en flèche, non en 44 avec le retour des prisonniers, mais en 42 au plus fort de la désespérance. Pourquoi ? Ni pourquoi elle a chuté brutalement dans tous les pays d’Europe vers 64-65 : il y a sept explications possibles, donc aucune n’est convaincante. On ne croyait pas pour certains pays du tiers monde que la chute démographique arriverait si vite, sans amélioration significative de leur niveau de vie. Il y a 5-6 ans, personne ne pouvait prévoir le petit sursaut démographique actuel de la France. A l’époque, c’était les Italiens, qui ont chuté depuis. Quand j’étais étudiant, c’étaient les Suédois qui en faisaient le moins, or c’est reparti un peu. On sait que ce domaine a une influence sur l’histoire, mais on ne peut pas avoir des idées très péremptoires. Dans le mouvement des idées, on a alterné avec des moments d’effroi sur la surpopulation, et d’autres… Des agronomes montrent que la terre n’est pas surpeuplée, qu’elle pourrait nourrir 10 milliards d’humains, et que le problème n’est pas celui dans ressources mais de la distribution. Ce que l’on sait en revanche, c’est que les périodes de forte croissance démographique ont été des périodes de productivité intellectuelle et politique : le siècle des Lumières en Europe a été le siècle de l’expansion démographique, en particulier en France. 

Question : 

Vous avez insisté sur le rapport au temps. Est-ce que le facteur espace n’a pas de rôle ? Des cultures, des civilisation, non pessimistes. Est-ce que nous allons les contaminer ou est-ce qu’ils ne vont pas nous apporter…. Ce que Michel Serres a appelé métissage.

Jean-Claude Guillebaud : 

C’est important. Ce que vous venez de dire pose un problème. Y a-t-il des parties du monde sans désespérance, voir l’Asie sortant de phases de tyrannie. Ms je ne suis pas si sûr que nous devrions les envier. La croissance de la Chine bluffe beaucoup d’observateurs. Le dynamisme de Shangaï est éblouissant, mais avec accumulation de problèmes explosifs : le déracinement de paysans, 200 millions sans terre qui errent autour des villes comme une sorte de cohorte précaire. Edgar Pisani, dans un débat au salon de l’agriculture, disait que ces 200 millions seront 400 dans 5-6 ans. Un pays qui a 400 millions de laissés pour compte connaît en fait un problème gigantesque. Les petits dragons comme la Corée ou Taiwan, ne sont pas à l’abri de problèmes sociaux explosifs. Pour la deuxième partie, je crois que oui, nous avons à apprendre. Certes, il faut croire à nos valeurs, nous n’avons pas à rougir de nos valeurs universalistes, nous n’avons pas à avoir honte de nous accrocher à des valeurs universelles, nées dans des pays occidentaux mais à présent propriété de tout le monde, comme l’égalité de l’homme et de la femme. Mais on a à apprendre. A Calcutta, j’ai connu un Jésuite, le Père Falon, qui avait créé une maison de la paix, dans cette ville très violente avec des affrontements meurtriers de groupuscules, où tout le monde se rencontrait et pouvait venir discuter. Je lui pose une question bête : « Pouvez-vous résumer ce que vous avez appris en 40 ans de travail ? ». « Nous avons à apprendre d’eux le détachement, et ils ont à apprendre de nous la charité ». Deuxième exemple, sur l’Afrique, un prof d’économie, Philippe Engelhart, qui a passé trente ans de sa vie au Sénégal, où il travaille pour ENDE Tiers-Monde, une ONG sénégalaise, « Environnement –Développement », il dit dans « L’Afrique miroir du monde » : « Soyons honnêtes. Nous, pays du nord, nous savons fabriquer des objets, avions, montres… En Afrique, c’est pas leur truc, mais ils savent fabriquer du lien social, et nous on ne le sait plus. Projetons nous dans 30 ans, quel sera le bien rare, les objets ou le lien social ? De toute évidence, le lien social. Donc, d’une certaine façon, l’Afrique est en avance sur nous ». Il sont peut-être entrain de le perdre, mais c’est vrai : il y a en Afrique un sens de la communauté et de la solidarité qui a encore à nous apprendre à nous. On na pas remarqué des choses qui se sont passées en Afrique : avec la suppression du franc CFA il y a 6-7 ans, pour certains pays d’Afrique comme le Sénégal, le Gabon, la Mauritanie, cela s’est traduit par une baisse du pouvoir d’achat de 50%. Imaginez ce que cela produirait en France, pagaille, émeutes, etc. Mais la société Africaine a pu encaisser ce choc, avec la solidarité. Oui, nous avons apprendre.

Question : 

Sur la laïcité, on parle comme si on était on n’avait que des problèmes franco-français. Nous savons bien que nous avons des problèmes d’intégration, de populations et de cultures. A Toulouse, quelqu’un comme Duriat a bien posé le problème concernant les trois religions monothéistes : les Hébreux ont eu 2300 ans pour comprendre que Dieu leur parlait en des termes contradictoires, et ils s’efforcent de les comprendre. Nous, les chrétiens, on a suivi avec beaucoup de difficultés le même chemin, et la troisième religion monothéiste, elle, a eu un gros problème, c’est que Dieu parle à Mahomet, mais en trente ans, et il lui dit une chose et son contraire, et pour eux et pour nous ça pose un très gros problème parce que ça veut dire pour eux qu’on ne peut plus rien comprendre. On a un effort à faire en direction des nos frères musulmans, pour leur faire comprendre qu’il faut aller au delà de ça. Le gros travail fait par les Hébreux et chez nous par les théologiens allemands correspond à ce que vous disiez tout à l’heure : le travail sur la temporalité et sur la laïcité. Si nous ne le faisons pas nous, qui le fera ?

Jean-Claude Guillebaud : 

Je publie des philosophes musulmans qui ne nous ont pas attendus pour faire ce travail sur l’Islam. Je me méfie de discours qui peuvent apparaître condescendants sur l’Islam. Ils ont du mal pour intégrer la laïcité, mais on sous-estime l’importance de la pensée islamique sur la pensée en Europe. Nous avons une composante de chez nous qui vient d’eux. C’est par les Arabes qu’on a redécouvert la pensée grecque, qu’ils ont traduite à la Renaissance. Et un apport à la naissance de la science européenne. Il est vrai qu’à la différence du christianisme, l’Islam s’est présenté comme une religion guerrière à ses débuts, mais l’empire ottoman par exemple a su faire cohabiter les cultures, comme le royaume andalou pour les religions. Dans une production pour Arte sur les parcours des croisades, j’ai découvert, des formes de coopération entre musulmans et chrétiens pour assurer leur accueil sur la route de la terre sainte : en Anatolie, une association dans toutes les villes regroupant des familles musulmanes pour accueillir le pèlerin chrétien. J’y suis allé et j’ai trouvé une ouverture et une attention à l’autre, une disponibilité au dialogue, formidable. Je ne peux pas accepter les discours de crainte à l’égard de l’Islam. En France, c’est vrai, on a 4 millions de musulmans, bientôt 5, mais je crois que l’Europe et la France peuvent être une chance pour l’Islam, pour la naissance d’un Islam des Lumières, en Europe, chez nous, qui en se sera pas renié mais sera une chance pour l’Islam tout entier. C’est déjà entrain de se produire. (applaudissements)

Question : 

Il y a un rapport gouvernemental sur la pollution atmosphérique qui a été gardé secret. (suite inaudible ; rires prolongés).

Jean-Claude Guillebaud : 

Facétie pour facétie, sur la question religieuse, on n’a pas parlé des orthodoxes, j’ai une sœur plus âgée qui s’est convertie à l’orthodoxie, personne n’est parfait (rires). Elle m’a fait lire un livre du starets Silwan, du mont Athos : « Tiens ton âme en enfer et ne désespère pas ». 

Jean-Paul Bernié (équipe du Narthex) : 

Nous donnons rendez-vous à tous pour la table ronde de Vendredi, que la conférence de JC Guillebaud aura anticipé sous deux aspects : si on choisit l’espérance, ce n’est pas pour amputer le présent mais au contraire pour l’enrichir ; et ce qui fait une société, ce sont les solidarités invisibles –ce qui frappe dès que l’on regarde de quoi s’occupent plusieurs des intervenants de Vendredi, qui peut paraître anecdotique. C’est pourtant le défi qu’il faut relever pour déterrer les germes auxquels JC. Guillebaud s’est référé à plusieurs reprises. Son propos nous permettra, entre autres ! de mieux interroger les témoignages qui vont être apportés. Qu’il en soit remercié.

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