LOI, AUTORITE, LIBERTE.                            

14 mai 2003



Nicole Bernard, médiatrice à l’UDAF de l’Aveyron

Texte de la conférence :

    Je viens avec plaisir vous parler d’un thème que je rencontre dans ma pratique professionnelle et quotidienne : il nous préoccupe tous, il nous interroge tous au quotidien. Ce matin, je tirais de l’argent sur un distributeur : un petit garçon de 4 ans fonce vers le clavier du distributeur de billets, et tape à droite à gauche, une maman qui ne dit rien.

Que fait-on quand nous sommes témoins de cela ? Que fait-on quand on voit des comportements qui nous dérangent dans la rue, quand on est soucieux de la tenue de la vie quotidienne ? 

Je me présente : j’ai eu une carrière très diverse. Partant d’une maîtrise scientifique, j’ai d’abord été enseignante en sciences naturelles. Avec un brevet d’état de moniteur de voile, j’ai enseigné la voile. Actuellement, après un DEA en Sciences de l’information et de la communication, une thèse que je poursuis à l’Université Paul Valéry de Montpellier sur les lectures communicationnelles des pratiques de médiation, je suis chargée de cours à l’IUFM de l’Académie de Toulouse, à l’IRSEC également. J’interviens pour plusieurs publics associatifs ou organismes qui cherchent des réponses et des outils de communication très concrets dans la gestion de leurs problèmes quotidiens, pour le travail en équipe, comme des équipes d’infirmières etc.

Pour ce qui est de la médiation : j’aide les gens à communiquer dans leurs conflits ou dans leurs difficultés, et cela à tous les niveaux  et dans tous les styles de situations : travail, vie associative, famille, voisins.

Je suis aussi sur le champ de la relation parents-éducateurs et enfants puisque j’enseigne le la danse et l’expression corporelle dans les écoles de Millau, je suis en prise directe avec le comportement même des touts petits puisque je vois beaucoup de choses dès l’école maternelle, ce qui alimente bien ma réflexion sur le positionnement de l’autorité, de la règle et de la sanction éducative.

Puisqu’on va parler de droit et liberté, j’ai choisi de poser quelques fondements et définitions sur le droit et la liberté. Puis, pour aller dans le quotidien, parler de ce que pourrait être une attitude éducative, quelque chose qui ne serait ni une attitude autoritaire dont la société ne veut plus, ni la permissivité : oscillation souvent traversée par parents et éducateurs. Et essayer de trouver une ligne médiane.

On dit l’autorité ne va plus de soi, mais il paraît que c’était pareil avant, 2000 ans avant Jésus-Christ, un prêtre égyptien écrivait :

« Notre monde a atteint un stade critique, les enfants n’écoutent plus leurs parents, la fin du monde ne peut pas être très loin ».

On remonte un peu, voilà ce qu’on a découvert sur une poterie dans des ruines à Babylone :

« Cette jeunesse est pourrie depuis le fond du cœur, les jeunes gens sont malfaisants et paresseux, ils ne seront jamais comme la jeunesse d’autrefois. Ceux d’aujourd’hui ne seront pas capables de maintenir notre culture. »

Hésiode, poète grec, 720 av. Jésus-Christ :

« Je n ‘ai plus aucun espoir dans l’avenir de notre pays si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement demain, parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, simplement terrible ».

Socrate, en 470 av JC : 

« Notre jeunesse aime le luxe, elle est mal élevée, elle se moque de l’autorité et n’a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d’aujourd’hui sont des tyrans, ils ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans la pièce, ils répondent à leurs parents et ils sont tout simplement mauvais. »

 Même époque, Platon : 

« Le père redoute ses enfants, le fils s’estime l’égal de son père, et n’a pour ses parents ni respect ni crainte, ce qu’il veut, c’est être libre. Le professeur a peur de ses élèves, les élèves couvrent d’insultes le professeur, les jeunes veulent tout de suite la place des aînés, et les aînés pour ne pas paraître retardataires ou despotiques consentent à cette démission ». « Et couronnant le tout, au nom de la liberté ou de l’égalité, l’affranchissement des sexes. » 

Ils avaient les mêmes problèmes que nous maintenant ! Je termine par Ste Thérèse d’Avila, un peu plus tard (1560) : 

« Je n’ai pas 50 ans et j’ai vu dans ma vie de tels changements que je ne sais plus comment vivre, je ne sais plus où cela aboutira. Que feront donc ceux qui naissent maintenant pour qu’ils vivent longtemps ? ».

Ne nous désespérons pas : les mêmes questions reviennent. Pour ce qui est du droit, de l’autorité et de la liberté, j’ai apprécié que les organisateurs les présentent liés car ce sont des termes qui se vivent dans la relation . Mais revenons à quelques éléments de philosophie du droit, les divers courants philosophiques ayant profondément influencé l’élaboration des systèmes juridiques. Jusqu’à la Révolution, les juristes, en accord avec l’idée d’un lien intime entre leur philosophie et la foi chrétienne, ne mettaient guère en doute le fait que droit positif trouvât son fondement dans un droit naturel.

Montesquieu disait dans « De l’esprit des lois » : 

«Les lois, dans la signification la plus étendue, sont  les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ; et dans ce sens, tous les êtres ont leurs lois, la divinité a ses lois, le monde matériel a ses lois, les intelligences supérieures à l’homme ont leurs lois ; la divinité a ses lois,  les bêtes ont leurs lois, l’homme a ses lois ». Et il terminait en disant : « Et l’homme se situe au plus bas de l’échelle lorsqu’ils s’agit de suivre au mieux ses lois ».

Pour Kant, « nous ne connaissons pas les choses en elles-mêmes, nous n’atteignons que les phénomènes »,  il en résulte ce qu’on a appelé le positivisme juridique qui estime vaine toute activité de l’esprit prétendant dépasser l’observation des phénomènes et de leurs relations mutuelles. On a eu ensuite le courant volontariste : pour que le droit existe, il faut le réaliser de fait, c’est une œuvre de la volonté. Dans le courant formaliste, le droit prescrit, telle une leçon de grammaire, mais on évitera de le confondre avec le politique et le social, c’est une recette. Le juridique peut être l’objet d’une science. Avec les thèses de l’école sociologique ont été énoncés les principes que Durkheim soutenait : le droit est un fait social, la pression sociale est la cause déterminante de l’ensemble des phénomènes humains. L’objectif des auteurs de la loi doit être de lire dans les faits sociaux les règles à consacrer, au besoin en les aménageant. Tout droit est engendré par la société et toute société engendre du droit. Le droit est sans arrêt en interdépendance avec la société dans laquelle on est. Je finirai par la tradition individualiste, qui est peut-être la plus dominante encore maintenant, imposante, parce que ça a été une attitude assez ferme qui assigne au droit l’objectif ultime de la protection de l’individu et de sa liberté : le droit devient un service. Cette conception a une origine ancienne chez les sophistes, les épicuriens, et plus récemment chez Rousseau : elle part de la vue que la société est postérieure à l’individu, qu’elle est faite pour l’homme et non l’inverse. La Déclaration des Droits de l’homme lui confère sa résonance politique : protection de l’individu et développement de la liberté individuelle.  Ce qui fait le prix de la vie humaine, c’est la liberté. La société n’a de sens qu’avec ce double objectif.  Cette philosophie s’est traduite juridiquement par le rôle donné à la volonté individuelle et plus précisément au contrat : la loi n’intervient que pour suppléer aux volontés des parties, compléter ce qu’elles ont trouvé elles-mêmes librement décidé par accord.

Aujourd’hui, avec les développements économiques et sociaux, consécutifs à la révolution industrielle, cette conception a posé un certain nombre de problèmes, et des coups sévères lui ont été porté. Le plus direct est l’attaque contre le contrat, d’où un intervention croissante de l’Etat dans le jeu des relations économiques, et se trouve réhabilité ce qui n’aurait jamais dû être méconnu, la primauté de la loi sur le contrat. Tout au long de notre histoire, il y a eu des va-et-vient de ce type. En ce moment, l’acuité des conflits contemporains a mis en relief que le droit ne pouvait se contenter d’objectif final : ni d’une protection de l’individu qui omettrait les requêtes de la vie en société, ni d’un culte de la collectivité qui sacrifierait la personne .

Il est peut-être important de rappeler les objectifs que s’assigne le droit, puisque dans notre société on a tendance, surtout les jeunes, à voir le droit comme quelque chose de frustrant qui nous limite. 

  • - La sécurité. Le droit peut s’assigner comme but la sécurité, que l’on ne confond pas avec la simple protection de l’individu et de sa liberté, mais qui exprime l’aspiration à un système de règles certaines, le besoin de savoir où l’on va, de savoir ce que l’on a le droit de faire et de ne pas faire, pour nous et pour l’autre. Le code de la route, très contraignant, en est un exemple. L’existence de règles certaines développe la vie en société en permettant seule les actions concertées qui sont sa trame et elle est en même temps éminemment favorable à l’individu en ce qu’elle facilite ses initiatives, donc l’exercice de sa liberté. 
  • - La Justice, c’est fondamentalement le respect de la personne dans la vie sociale qu’exprime l’aspiration à la justice comme but final du droit. On entend tellement toutes ces notions chez les jeunes : « c’est pas juste,… tu n’as pas le droit.. ». Il faut qu’on se redise que la justice est le but final du droit, mais que la justice en soi, on ne la connaîtra jamais, on ne peut pas l’appréhender en soi, les perspectives du droit sont bien plus modestes. On dépasse la notion d’un protection individuelle qui ignorerait ou sous-estimerait exigences de la vie en commun. L’aspiration à la justice envisage d’abord la relation et veut l’équité, c’est-à-dire l’égalité dans le cas concret, et on en dira tout autant du principe qui oblige à réparation quelqu’un qui a fait offense à un autre. Donc, la notion de justice, en dépit de l’absolu qu’elle évoque, est inséparable de celle de droit, et de la conception que l’on adopte de la vie en commun.

Le droit a le souci de faciliter les relations sociales qui impliquent la confiance dans la parole donnée, il appartient aux gens de veiller eux-mêmes au respect de leurs intérêts propres et des accords. Il recherche le bien commun ; si la justice consiste à rendre à chacun ce qui est le sien, cela ne résout pas l’épineuse question de la recherche du bien commun, notion rendue suspecte par les événements contemporains car elle met l’ accent sur les intérêts de la collectivité par rapport à celui de l’individu, on le voit bien en ce moment avec les grèves sur les retraites, on n’est pas unanimes sur le bien commun.

C’est là que l’on retrouve cette idée de négociation et de médiation. Si l’on pouvait reconnaître cette idée que le bien peut être commun dans les situation où les intérêts divergent, la question serait résolue, mais pour cela il faut se mettre autour d’une table et en parler. Le bien commun peut être commun même quand les intérêts divergent. On peut prendre en exemple l’intérêt du débiteur : son intérêt serait de ne pas payer ou le plus tard possible, mais le paiement ponctuel est pourtant son bien en même temps que celui de son  créancier. Pour cela, il va falloir qu’ils construisent des accords. Le bien commun est encore relation. 

Le droit envisage la justice dans la société telle qu’elle est, avec les valeurs qu’elle porte, et il faut donc parler des contextes dans lesquels la justice agit. Le droit participe de la justice en soi mais celle-ci est la valeur plus haute qui rendrait à chacun ce qui lui est objectivement dû selon ses mérites, or il est hors de portée du pouvoir social de savoir qui doit mériter quoi.

D’où l’objet plus modeste du droit : il participe, c‘est tout. On est bien d’accord, d’une part la société ne peut pas être sans loi, mais d’autre part, aucune loi ne résoudra, n’épuisera jamais la question de la justice. On peut même aller plus loin : dans un certain sens, le droit est le contraire de la justice mais sans ce contraire, il ne peut y avoir de justice. Une société juste n’est pas une société qui a adopté une fois pour toutes des lois justes, c’est une société où la question de la justice reste constamment ouverte, où reste ouverte une possibilité sociale effective et permanente d’un questionnement sur la loi et sur le fondement de la loi. C’est bien l’esprit de notre démocratie, et de tous les débats qui peuvent traverser notre société actuellement.

Pour finir cette partie, en ce qui concerne le droit et la morale, la morale poursuit le bien de l’homme en tant qu’homme, ce but apparaît comme ultérieur par rapport à l’objectif du droit, normalement les deux voies devraient se coordonner, mais il est inévitable que l’organisation des moyens risque de faire perdre de vue les fins. Mais les liens du droit et de la morale donnent au droit la qualité indispensable de sa légitimité. Si la loi civile prétend être obéie pour elle-même et entend que les sanctions ou même leur menace ne jouent qu’un rôle subsidiaire, elle ne peut y parvenir que dans la mesure où les citoyens auront le sentiment que l’ordre légal est en relation avec les valeurs qui s’imposent à eux inconditionnellement. 

Les lois, c’est la justice et le droit « dans la société. » : les lois sont issues de valeurs portées par notre société. La valeur de l’égalité de la protection de chaque individu en France a initié nombre de règles concernant le RMI, la protection sociale, etc. ; en revanche, aux USA la valeur de la liberté individuelle très forte est à l’origine de nombreuses règles concernant la liberté d’expression jusque dans la liberté de faire exister toutes les sectes possibles et imaginables, comme on le sait. C’est la valeur de la liberté individuelle qu’on va prôner. En France, ce sera plutôt la valeur de l’égalité, la protection de chaque individu. 

Voilà donc comment le droit est influencé par les valeurs d’une société.

Voici quelques mots sur la liberté, car il y a diverses positions philosophiques toutes traversées par le désir humain de liberté. Quelques définitions du dictionnaire:

*« Capacité de faire ou de ne pas faire sans autre intervention que celle de la volonté ». Ce qui correspond à la notion de libre arbitre.

*« Possibilité de choisir effectivement entre plusieurs actions conformément à leur nature ». C’est la liberté morale, mais qui n’est pas totale ou neutre. Choisir le bien, ce qui est la conception des Stoïciens, c’était la liberté du sage, se conformer à des valeurs très hautes. Ou pour Spinoza, choisir la raison. Pour Hegel, l’esprit subjectif est liberté indéfinie, elle paraît s’opposer à la nécessité mais c’est la liberté qui est la réalisation de la nécessité. 

*« Possibilité positive pour l’homme d’exercer une action dans l’ordre social », encore une autre définition, mais dans un ordre social où on n’est pas tout seul. Vous avez tous entendu quand vous étiez petits : « Ta liberté s’arrête où commence celle des autres » : il ne s’agit pas d’être tous libres tout seuls. C’est Rosa Luxemburg qui disait, le « on est tous libres » évoque le renard libre dans le poulailler libre » ! On voit ce que cela peut donner. Pour Leibniz, Dieu seul est parfaitement libre, et les esprits créés ne le sont que dans la mesure où ils sont au dessus des passions. Pour Nietzsche : « Chacun se tient pour libre là où son sentiment d’exister est le plus puissant ». Ce désir antérieur à tout projet existentiel s’incarne dans la volonté, la liberté ne serait d’abord que volonté pour lui. 

Ce qu’il faut en retenir d’intéressant pour les problématiques en débat avec les jeunes ou avec nous tous, c’est cette idée « se sentir libre »,  ce sentiment d’exister qui est le plus puissant . Quand on se sent bien en tant que créateur, quand on sent son potentiel se développer, c’est là qu’on sent la liberté. Elle vient de nous. Je vais à présent vous mettre plus sur le quotidien. 

L’autorité, du constat à l’action

LES CONSTATS

CE QUE L’ON PEUT FAIRE

♠  Autoritarisme et permissivité nuisent à la relation et génèrent de la violence.

Développer une souplesse relationnelle, adapter la distance entre soi et l’autre : ni fusion, ni indifférence, ni rejet.                    Différencier l’acte de la personne. POSITIONNEMENT

♠  L’autoritarisme engendre uniquement l’obéissance. Il agit sur les comportements mais nuit à la connaissance de soi et à la compréhension du monde.

 ♥ Apprendre à écouter l’autre et à prendre en compte ses besoins sans pour autant céder à toutes ses demandes. Apprendre à exprimer ses besoins et ses sentiments. DES LIEUX, DU TEMPS

La permissivité est insécurisante. L’autre n’apprend pas à gérer la frustration issue des règles physiques et sociales.

Apprendre à mettre des limites sans pour autant blesser physiquement ou psychiquement.

  Expliciter et réaffirmer la loi et les règles. SANCTION EDUCATIVE 

Les enfants sont plus protégés et les adultes plus surveillés.

Clarifier ses droits et ses devoirs vis-à-vis des enfants dont on a la charge.

Développer sa capacité à s’affirmer. CONFIANCE EN SOI ET EN L’AUTRE

Les représentations que l’on a de l’autorité et l’absence de modèles freinent l’évolution de nos comportements.

Prendre conscience de ses représentations de l’autorité afin de les remettre en question. Parler des difficultés que l’on rencontre et confronter son point de vue avec d’autres. RESPONSABILITE. INITIATIVE.

La raison et la morale ne suffisent pas à endiguer les comportements violents.

Repérer en quoi son attitude et l’environnement influencent le comportement de l’autre : approche systémique. ESPRIT CRITIQUE

 

Vitalité et violence sont de même nature. 

Freiner les comportements violents sans briser la vitalité, prendre en compte la manière dont chacun perçoit la violence.

Changer l’image que l’on a du conflit : reconnaître le conflit comme un temps de confrontation des besoins et une demande de changement.      ANALYSE 

 

 

   Autorité et permissivité nuisent à la relation et génèrent de la violence. Il vaudrait mieux à la limite comme beaucoup d’éducateurs le suggèrent, il vaudrait mieux être autoritaire de A à Z comme le faisaient nos grand-pères que d’osciller entre permissivité et autoritarisme. Dans les relations parents-enfants ou jeunes-adultes, il  n’y a pas toujours une ligne très claire, on ne sait jamais comment les adultes vont réagir. 

Les adultes réagissent selon leur humeurs, « cela me pose un dérangement, je suis autoritaire, je n’ai pas envie non plus de m’user à dialoguer, je laisse faire ».

Il faudrait adopter une souplesse relationnelle pour trouver la bonne distance entre soi et l’autre. Ni la fusion permissive pour être aimé, ni laisser faire par désintérêt, c’est-à-dire par distance aussi. Et voir comment on peut différencier l’acte de la personne. Puisque, vous le savez comme moi, on l’entend à travers de petits messages : un jour une institutrice dit à un petit gamin : « Tu es sale », alors que ce sont ses mains qui sont sales. Nous ne faisons pas forcément attention aux résonances. C’est pourquoi il faut distinguer l’acte de la personne dans nos manières même de nous exprimer au quotidien. 

« Quand tu fais ça, je le vis mal, j’aimerais qu’on en parle ». C’est un message « JE » qui part de moi, qui constate une action qui me dérange ou qui ne va pas avec la règle que nous nous sommes donnée, mais je ne dis pas : « Mais tu ES un …. ! » : là, on a jugement sur la personne. L’autoritarisme agit sur les comportements mais nuit à la connaissance de soi et à la compréhension du monde. Apprendre à écouter l’Autre est très important, surtout dans notre société,  bien qu’on dise qu’elle soit une société de communication, on remarque que les gens ne s’écoutent pas, profondément ; ce qui signifie être capable de se poser, de prendre un temps de silence, de construire le cadre de cette écoute, et de savoir les reformuler à l’Autre, ce qu’on appelle « l’ écoute active ». 

Pour prendre une image, nous habitons chacun dans une maison et nous regardons le monde chacun derrière une fenêtre,  la rue est entre nous, et nous regardons le monde à travers notre fenêtre. Aller écouter vraiment l’Autre serait ouvrir sa porte et sortir, vous laissez votre fenêtre chez vous, vous  vérifiez que celui qui habite en face vous laisse entr’ouvrir sa porte, et vous vous mettez à côté de l’autre personne, derrière sa fenêtre, afin de  regarder son monde coloré à elle, de sa fenêtre à elle. On voit bien ce déplacement qui consiste à aller vers le monde de l’autre et à revenir. Voilà ce que serait une véritable écoute. On peut tous se poser la question : « Combien de fois suis-je entendu ainsi dans ma vie, avec quelqu’un qui se met à côté de moi et qui regarde le monde par mes couleurs ? Par ma vision subjective du monde, par ce que je ressens, par ce que je vis ». Et revenir chez soi, sans emmener la fenêtre du voisin chez soi : ce n’est pas la fusion non plus. Je me réfère ici aux travaux de Carl Rogers notamment sur l’empathie. 

Tout le monde a des besoins, tous différents, comme nos valeurs le sont, cela peut même changer entre le début et la fin de la journée. Chacun de nous a des besoins, mais il y a aussi une règle de vie commune, dont il faut tenir compte et ça se négocie . Il faut effectivement des lieux et du temps pour faire cela. On ne peut créer un climat propice entre deux portes il faut créer ces espaces de communication et d’écoute, et les construire, on n’insistera jamais assez là-dessus. Tout va très vite. La permissivité est insécurisante : « Jusqu’où puis-je aller ? », en fait. 

A propos de l’insécurité, voici un schéma des travaux de l’Université ND de la Paix de Namur, qui expliquent les dangers néfastes de cette permissivité. 

 

Vous voyez qu’en fait, c’est un système qui tourne, une spirale. Partons du besoin. Regardez les flèches qui partent par en haut : les besoins non satisfaits causent de la frustration, et si personne ne m’écoute, une véritable écoute dans ce déplacement dont je viens de vous parler, si personne en vient regarder par ma fenêtre un court instant, et si je n’arrive pas à me prendre en charge émotionnellement, affectivement, dans ce que je vis de difficile, il y a une émotion de colère qui risque de travailler. Je suis fâché contre celui qui se trouve le plus proche, et contre la société entière.

Cette émotion est une énergie. Là aussi voyez cette flèche : si je peux me distancier de cette émotion, la prendre en charge , la communiquer, la parler, en étant sûr qu’elle sera accueillie, tout ira bien, parce qu’en fait je sors du cercle. Par contre, s’il n’y a personne, si je n’arrive pas, il y a une hostilité, une envie de se venger, de combattre, « tu vas me le payer ». En suivant le schéma,  on en arrive ensuite à la conscience de la loi, de l’interdit, comme vous le voyez. S’ il y a eu une éducation et depuis le plus jeune âge, à cet interdit à ne pas franchir, comme garant, comme service, comme sécurité avec la conscience des conséquences c’est-à-dire la notion de sanction quand on déroge à la loi, si ces notions ont été intériorisées, cela évitera le passage à l’acte; Celui-ci peut être très violent, et cela peut être une violence contre soi-même, le suicide des jeunes, c’est cela aussi. Et c’est légitimé : « tu – la société-  m’as fait du tort, j’ai le droit, et j’ai le pouvoir, même sur ma vie ».

On en arrive en poursuivant la lecture du schéma à la notion de sanction. Si la sanction, cette flèche qui sort, là, ne fonctionne pas, une sanction qui soit éducative, qui apprenne quelque chose à l’un et à l’autre, qui soit réparatrice et dialoguée, qui soit explicitée et non pas imposée d’en haut, alors on en arrive à se retrouver avec un manque, une souffrance, dans un cercle qui va tourner. Si personne ne m’arrête, cela va continuer. C’est une spirale de la violence, appelée cercle de la frustration, la frustration de ne pas exister aux yeux des autres quoique je fasse, même le plus grave, d’où l’importance de mettre des limites, des arrêts, des sanctions. Ce qui explique que la permissivité donne non seulement un sentiment d’insécurité, mais pire que cela, produit de la violence.

Il faut aussi faire d’autres constats : les enfants sont plus protégés et les adultes plus surveillés. Avant, la DASS n’atterrissait pas dans une famille dès qu’une claque tombait.
Dans mes formation d’animateurs sur la Reynerie et le Mirail à Toulouse, il y a un public très mélangé de Maghrébins, d’Africains, et il est très intéressant d’entendre ces cultures qui arrivent chez nous et ne peuvent pas s’y retrouver. Leur culture, c’est l’autorité du père, qui a le droit de taper ses enfants. Et puis, là-bas, la rue éduque les enfants. Les adultes qui vivent dans la rue, tout le monde s’occupe des enfants des autres. Or maintenant, que voit-on ? Je revois ce petit galopin au distributeur de billets, qui grimpe d’une manière effrontée et qui commence à « bidouiller » toutes les touches alors que j’était à peine entrain de ranger mes billets et une maman qui ne dit rien. 

J’ai vécu en Algérie où j’ai remarqué combien tout le monde s’occupe des enfants. Les ouvriers et leurs familles qui arrivent dans notre société n’ont pas le droit de donner une claque à leurs enfants, et dans la rue il n’y a personne qui s’en occupe.

 Ils ont un mal fou avec leurs enfants. Ce matin, j’ai quand même pu faire sentir quelque chose à la maman et elle a fini par lui dire que c’était interdit. J’ose vraiment me mêler comme ça, naturellement et en restant respectueuse des parents ; ce n’est pas facile pour eux,  n’ont-ils pas  besoin de l’aide des autres. ?

Les enfants sont des personnes, mais nous sommes aussi des personnes, il faut un respect mutuel ; mais ils sont des enfants et nous sommes des adultes qui avons mission et devoir d’une éducation à la vie sociale avec les règles de notre société, comme elles sont.

Chacun a ses représentations très personnelles par rapport à l’autorité, on a tout un vécu avec elle.  C’est comme la perception de la violence : se rend-on compte toujours que l’on a été violent avec quelqu’un ? Qu’on lui a fait du mal ? Est-ce qu’on se rend compte qu’on a été trop autoritaire ou trop permissif. Cela n’a rien d’évident et c’est pourquoi il peut être important de partager avec d’autres sur ces thèmes. 

La raison et la morale ne suffisent pas à endiguer les comportements violents, c’est un problème surtout dans les grandes cités . Ce n’est pas anodin : repérer en quoi son attitude et l’environnement influencent le comportement de l’Autre.

Pour en revenir à la famille : dans une vision systémique, nous sommes tous inter reliés et en interdépendance, sans arrêt. En même temps que je vous parle , je vous regarde, et vos attitudes me font m’interroger, et je corrige mon discours, c’est la notion de causalité circulaire.

Donc si un enfant a un comportement tel, posons-nous la question du comportement de l’adulte et vice-versa. Tout s’auto influence. Tous les acteurs d’un système relationnel sont interdépendants, si quelqu’un bouge, tout va bouger, c’est une bonne nouvelle parce qu’il suffit que quelqu’un  bouge pour que tout le monde bouge, et ça se joue très finement sur la manière dont on va dire les choses, le mot, le ton qu’on va utiliser. Si un adulte parle autoritairement avec un enfant, au retour il y aura quelque chose. S’il y a une démarche du genre : on se pose, raconte moi, quel est le problème ? au lieu de s’énerver, vous sentez bien que ça va donner quelque chose de différent. Donc c’est très important de bien repérer que mon attitude influence vraiment celle de l’autre. Cela nous renvoie à la gestion de nos émotions. Là aussi, apprenons à repérer ce que nous vivons en nous, à le partager, soyons authentiques. C’est ce que les jeunes réclament le plus.

On parle de la crise des adolescents, mais ils adorent leurs parents ; ils ne se rebellent pas contre leurs parents, il se rebellent contre la manière de communiquer qu’ont les adultes. 

Vitalité, violence, agressivité…..c’est un autre aspect du thème puisqu’il y a une notion commune qui existe dans ces termes: celle de force, d’énergie -  abus de la force, de l’énergie,  dans violence – intensité de la vie dans vitalité. Dans le Vocabulaire de la psychanalyse, il n’y a pas de rubrique « violence », ni « haine », seul le terme agressivité apparaît, force positive ou négative. Ethymologiquement, agressivité vient de aggressus, marcher vers, aller de l’avant, c’est une énergie à disposition. La vitalité est de la même nature que la violence puisque c’est une énergie. Sans vitalité, on ne peut pas vivre. Les parents ou éducateurs qui cherchent très tôt à l’étouffer risquent de faire des enfants cassés. Le grand souci des éducateurs est bel et bien de canaliser cette énergie de l’enfant, il faut, la cadrer, l’orienter pour la mettre au service de la vie ;  les enfants nous le demandent, à leur manière, ils en ont besoin.

Le conflit dans notre société est vécu comme quelque chose de négatif, il faut réhabiliter la culture du conflit qui est quelque chose d’intéressant, c’est une manière de parler de soi, d’écouter ce que l’autre a à nous dire. Il révèle qu’il y a un besoin de changement : mettons le conflit tranquillement sur la table : « quand tu fais cela, je vis, je ressens quelque chose que j’aimerais te partager, parlons-en, et toi, qu’est-ce que tu ressens, de quoi as-tu besoin ? ». Et c’est en voulant nier le conflit, ne pas vouloir le poser en amont, qu’arrive la violence. La qualité d’une relation ne se mesure pas au nombre de conflits que l’on vit ensemble, mais à la manière dont on va les travailler ensemble. Si vous êtes enseignants, éducateurs ou parents, voyez le conflit comme une opportunité de se connaître, de progresser ensemble, de poser des problèmes, d’apprendre à communiquer autrement. C’est l’opportunité  d’un formidable apprentissage de communication !

Et pour faire un détour par la médiation, si on n’arrive pas à régler nos conflits par nous-mêmes, il y a des gens qui ont toujours su faire dialoguer les personnes ayant des désaccords et problèmes à résoudre. Et d’un point de vue plus institutionnel, il y a à présent les médiateurs. 

Maintenant, l’agressivité est-elle destructrice ou créatrice ? Tout dépend si on l’assume, la reconnaît ou si on la refoule. Positive, elle est une authenticité, elle va aider à une plus grande clarté des messages : quand quelque chose nous dérange, disons-le, en distinguant bien sûr l’acte de la personne. « C’est ce que tu as fait là qui ne me convient pas, mais toi, je t’aime… ». L’engagement dans la relation demande de la rigueur, de l’exigence, de la détermination. Négative quand niée, non acceptée, quand on ne veut pas reconnaître cette violence, cette agressivité en nous, elle peut se retourner sur nous mêmes : fatigue, culpabilisation, dévalorisation, troubles psychosomatiques ;  et fausser notre relation aux autres : fausse gentillesse, mauvaise foi, dévalorisation d’autrui, débordements intempestifs, ambivalence, refus de s’engager d’assumer ses responsabilités ….jusqu’au moment où il n’est plus possible de canaliser…

On peut à présent repartir sur les règles, liées à la notion de sanction éducative, dont j’ai déjà parlé. 

L’adulte a le pouvoir de commander , le juge tranche, il  a le pouvoir de se référer aux règles. 

On ne peut pas faire autorité sans s’appuyer sur le pouvoir qui nous revient en référence à notre statut et aux règles données. Et donc l’autorité éducative se réfère à ces différentes formes de pouvoir : on a le pouvoir sur l’enfant, il faut l’assumer, c’est notre devoir et notre responsabilité.

Il y a un pouvoir qui est lié à notre statut et une autorité qui invite l’éducateur à jouer son rôle comme il le sent. Cette définition est vague, mais elle traduit bien le fait que les jeunes ne nous demandent pas d’être une personne parfaite, sans défaut :  le défaut, c’est ce qui nous manque, ce qui fait défaut, c’est tout. Ils veulent des adultes authentiques, vrais. C’est pouvoir il est important de parler de ce que l’on ressent. 

Je discute beaucoup avec les étudiants à l’IUFM: « Mais attendez, si moi je dis à cette classe « je ne me sens pas bien avec vous devant vos comportements, je vais perdre mon autorité ! ». Je maintiens que l’on doit pouvoir parler à un moment ou un autre de ce qu’on vit en tant que personne face à un comportement. Certains jeunes enseignants ont peur aussi de perdre leur autorité en disant merci à un élève. 

Comment faire autorité avec un style personnel,  qu’il soit humoristique ou autre. ? Hier, dans un cours de danse et d’expression corporelle, avec 20 gamins de CM2, les garçons, déjà grands, ont parfois du mal à entrer dans l’activité avec des filles qui plus est et font de petites chamailleries. Comment ne pas faire perdre la face à un enfant tout en respectant le règlement d’une classe ? Chacun a son style et doit avoir ses ressources. Je fais venir le gamin : « Quand tu fais ça, .. » et je suis restée en suspens à chercher le ton et les mots, et j’ai fini par dire : « Tu n’es plus dans le rythme ! », échappant au spontané qui me viendrait : « Tu embêtes tes camarades, tu es infernal, c’est inacceptable ! » Je n’ai plus eu de problème dans l’heure avec ce gamin. Autre cas : une petite fille française et une petite maghrébine ; on doit se donner la main 2 par 2 pour une danse. La petite française ne voulant pas donner la main à sa camarade la prend par la manche du gilet… c’est très violent ! Je demande ce qui se passe. Silence, mais toute la classe répond: « Elle dit qu’elle est sale !  », tous ensemble ce qui montre que le problème devait durer depuis longtemps. Comment faire preuve d’autorité sans faire perdre la face à la petite qui ne voulait pas donner la main, tout en respectant la petite maghrébine. Les questions quotidiennes ne sont pas forcément les plus simples… Par chance, la petite Maghrébine avait un petit trait de feutre sur la joue, alors je dis à la classe : « Asseyez-vous, on va tous en discuter ». C’est la construction de l’espace de dialogue : du lieu et du temps. Il y a un problème, on s’assoit, on en discute. Les autres enfants  n’ont pas fait de bruit tout autour…: « Que va dire Nicole ? Et puis c’est intéressant, tout ça. » Je pose la question à la petite fille qui ne voulait pas donner la main : « Qu’est-ce qui ferait que tu pourrais lui donner la main ? ». Elle me répond que c’est à cause du feutre, et me montre sa joue ; je demande à la petite maghrébine si elle veut bien aller ôter sa trace de feutre. Elle part toute contente se frotter, elle revient et l’autre lui donne la main.

Il faut chercher des manières de ne jamais faire perdre la face à un enfant. Je dirais que cela illustre un peu ce que pourrait être une autorité éducative. Je ne parle pas de sanction pour ces exemples-là, mais d’un climat, d’une ambiance de respect  à travailler. 

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Débat :

Question :
 Quelque chose me pose problème depuis quelque temps ; la maladie qu’on appelle l’hyperactivité des enfants. Cela pose des questions par rapport à l’autorité ; quand on voit un gamin de 4 ans qui va toujours embêter sa petite sœur, et les gamins qui lui disent « mais ne va donc pas .. », moi j’aurais eu un comportement autoritaire. J’ai l’impression que cette maladie on l’exagère et qu’il y a un fond de non-autorité dès le départ. Je suis famille d’accueil, j’ai vu une petite fille de 18 mois qui tapait ses parents. On en vient à traiter ça par médicaments comme en Amérique. Il y a peut être des cas où c’est une maladie mais il me semble que dans 90% des cas c’est un manque d’autorité.

Réponse :
 Je rejoindrais votre avis, c’est peut-être une maladie. Mais il y a beaucoup d’enfants qui ont une énergie supérieure aux autres, et il n’y a pas d’adultes pour la freiner, la cadrer. Très tôt, même dans les maternelles, des enfants de 3 ans sont déjà des enfants-rois. Les institutrices disent que c’est un phénomène qu’elles ne connaissaient pas il y a 5-6 ans et qui empire, et que c’est la faute aux parents. Les parents réagissent, bien sûr ils ne sont pas d’accord, ils font ce qu’ils pensent le meilleur ; c’est en effet petit que le respect de l’autre doit être posé en absolu. Cela doit être parlé et suppose un contrôle des émotions de la part de l’adulte, qui peut être épuisé et avoir besoin d’aide.

Question :
 On a l’impression que les problèmes d’autorité ne concernent que les parents et les enfants 

Réponse :
 J’ai parlé, c’est vrai,  plus de relations parents-enfants mais c’est également vrai pour le chef d’entreprise, il  a le pouvoir de faire preuve d’autorité…

Question :
 Il me semble que le fondement de l’éducation des enfants et des relations entre les adultes, les jeunes entre eux, c’est les exemples qu’ils voient autour d’eux et la régularité dans ces exemples, le chef d’entreprise doit en avoir conscience

Réponse :
  Oui, parce que la culture d’entreprise est donnée par le chef d’entreprise , comme dans un lycée elle est donnée par le chef d’établissement .. etc.

Question :
 Et il doit être lui-même très rigoureux

Réponse :
 Oui être un manager, celui qui organise également la qualité des relations par sa manière d’être. Cela tient à très peu de personnes qu’un climat de qualité s’instaure dans une organisation.

Question de Madeleine Sterna : 

On est à la Bourse du Travail et je trouve un peu étonnant que vous disiez qu’un chef d’établissement ou d’entreprise est celui qui doit respecter toutes les règles, l’histoire syndicale montre que ce n’est pas toujours le cas, et que les organisations des travailleurs servent à faire respecter le droit, et à l’intérieur de l’école, pour l’avoir beaucoup fréquentée, ça peut très bien être la même chose. Donc, il y a une position un peu idéale de penser que celui qui détient l’autorité en vertu de sa fonction va en même temps respecter les règles. 

Réponse :
 J’ai dit que le chef d’établissement va donner la culture de l’établissement, alors s’il ne respecte pas lui-même les règles, il va y avoir une atmosphère difficile… 

Question :

 A l’école, il y a le règlement intérieur, et tout le monde sait que même s’il est remis sur le tapis au CA, il n’est jamais respecté, alors comment faire ?

Réponse :
 Est-ce qu’il est vraiment explicité ? Est-ce que dans les classes on passe une heure à réfléchir, à expliquer à quoi sert une règle, comment on construit le droit.etc.

Réponse :
 Il n’y a pas de réponse générale. Bien sûr , il faut prendre le temps de la communication

Question :
 A propos du non respect d’un règlement quelconque, ne pensez-vous pas l’interdit étant toujours plus ou moins transgressé, pour l’établissement d’une loi, il vaut mieux établir une loi un peu plus stricte que la normale quitte à paraître un peu impopulaire ?

Réponse :
 Non je ne crois pas, le problème de la transgression des règles, ça dépend si on est entre adultes ou si on est dans la relation adulte-jeune, car ici, grandir, pour le jeune c’est aussi oser transgresser les règles qui ont été données par les parents, exemple: «  tu n’auras pas le droit de faire telle chose avant tel âge » là c’est prendre un risque face aux  parents pour grandir en maturité. Si on est entre adultes, si la règle n’est pas respectée, si on s’est mis d’accord sur une sanction, elle est comme ça, elle doit être respectée.

Question (inaudible) 

Réponse :
 En fait la loi dit « dans un espace public, c’est interdit de fumer », je suis même étonnée d’apprendre que des chefs d’établissement n’imposent pas la loi qui est de rigueur dans la société. Les responsables ont parfois des difficultés à se situer devant la règle , comme le montrent le souci des proviseurs par rapport au port du foulard. Quand je parle de sanction éducative, c’est quelque chose qui se construit dans un dialogue. Si on met autoritairement à la porte un élève sans lui avoir demandé ses raisons, ses solutions à lui, à quoi il penserait, quelle idée nouvelle ne serait-ce que pour faire évoluer un règlement intérieur dans un établissement, si cela ne se fait pas, on arrive dans la position d’autoritarisme avec le sentiment de quelque chose d’injuste, de pas négocié ou vers la permissivité et tout ce qu’elle engendre. Je suis pour une culture du dialogue, de la coopération, il faut sortir de l’individualisme forcené, et revenir vers la richesse qu’il y a à s’écouter. Quelle formation alors pour les enseignants, les animateurs associatifs ou syndicaux, parce que lorsqu’on voit vers quelle prises de pouvoir cela peut conduire, même à l’intérieur des conseils municipaux.

Question de JM Puyau : Et quand il y a refus de dialoguer ?

Réponse :
 Je ne crois pas vraiment au refus de dialoguer dans ces cas, je peux le constater comme vous, mais il y a toujours une raison quelque part. Cela tient-il au fait qu’il n’y a pas une organisation d’animateur de réunion, une organisation pensée de dynamique de réunion et de respect et d’accueil ? Dans mon travail de médiation, il y a souvent une seule  personne qui demande à dialoguer. Par une loi mathématique de transitivité, si M est en relation avec A et A en relation avec B, alors M est en relation avec B. Je peux téléphoner à B. Au début cela ne fait pas trop plaisir à B, cet appel, mais en fin de compte on peut discuter une demi heure – une heure parce qu’ en fin de compte, les gens ont besoin de parler. Et il y a un espace téléphonique qui se crée, des choses qui se font, cette connaissance de la médiation, être rassuré, oui, on peut se mettre autour d’une table. Dans les réunions, c’est pareil, il n’y a pas beaucoup de gens méchants, je veux dire vraiment méchants, dans la notion psychologique  du pervers constitutionnel, mais il y a beaucoup de gens qui sont malheureux et qui souffrent de ne pas pouvoir/savoir s’exprimer ; et comment les prendre, avec  tout l’art de la présence les uns aux autres dans ces systèmes où l’on vit. Des gens blessés qui ont vécu beaucoup d’échecs seront plus durs à apprivoiser dans le dialogue que les autres, mais ne partons jamais battus d’avance, même s’il y a derrière toute une vie. Sans être idéaliste, il faut se battre, là on l’on se trouve. « faisons le siège de l’Autre » disait Gandhi. 

Question :
 Je voudrais savoir s’il peut exister des dialogues en dehors de l’autorité, qui transcendent l’autorité, par ex entre un manœuvre et un PDG..

Réponse :
 Oui, ça devrait, ce sont des personnes chacune avec des émotions, des besoins ..

Question :
 Mais ça dépend des personnes

Réponse :
 Oui, et du responsable qui a le pouvoir d’ouvrir de tels espaces, avec un médiateur ou non.

Question :
 La sympathie c’est en dehors de l’autorité. ?

Réponse 
 La sympathie n’est pas toujours sur le même plan…je pense à un chef d’entreprise avec des normes de productivité, par exemple, il y a des contraintes. Et il faut vérifier qu’il y ait une compréhension de ce que l’on demande de faire…etc 

Question :
 Je situe cela hors de ce terrain, une relation comme ça informelle et qui s’arrête comme elle commence. Est-ce que vous connaissez des exemples comme ça ? Des gars qui se confient, d’un côté comme de l’autre.

Réponse :
 Parlez-nous en, vous avez dû vivre ça.

Question :
 Oui, mais hors de toute règle, il n’y a rien, pas de loi, pas de règlement ..

Réponse :
 Ces personnes qui sont dans une telle relation, dans une telle relation de présence, de vigilance l’un à l’autre… ?

Question :
 Mais c’est quelques instants..

Réponse :
 Je peux vous rappeler une parole de l’Evangile : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Quand deux ou trois personnes se placent dans une attention l’une à l’autre avec cet effort d’écoute active, cet effort de décentrage de soi-même pour aller dans le monde de l’Autre, il y a un troisième terme qui arrive et qui pour ceux qui ne croient pas est de l’ordre de la relation, un troisième terme qui émerge de la relation, tout à fait à notre surprise, un état qui nous habite, un état de transcendance, ça peut être l’amour, l’amitié au delà, mais cela tient de la qualité de présence de l‘un et de l’autre à ce moment-là. C’est la qualité de présence, de regard, d’écoute.

Question :
 J’aurais quelque chose que j’ai vécu à l’étranger et en France je trouve qu’on le sent de temps en temps, où celui qui est commandé manque de respect, et que l’on ne trouve pas à l’étranger et pour raisons matérielles ahurissantes : c’est que vous allez au Mexique ou quelque chose comme ça, vous avez un manœuvre dont vous n’êtes pas content, vous le recevez dans votre bureau, vous le traitez avec respect. Pourquoi ? C’est que le gars peut sortir un revolver et vous tuer, chose qui ne se fait pas en France. En France, pour rendre du respect pour tout le monde, est-ce qu’il faudrait autoriser le port d’arme ? Je ne sais pas, je pose la question. 

Réponse :
 Vous dites que la France aurait perdu la culture du respect mutuel, même entre supérieur et employé ?

Question :
 Donc, je l’ai senti. C’est par les paroles, par le ton, on ne l’aurait pas dans les pays dont on parle.

Réponse :
 On dit que les grands autoritaires sont des gens anxieux. 

Question :
 Ne sommes-nous pas déstructurés vu que les familles sont complètement éclatées ? Nous aussi, les pauvres adultes, nous avons besoin de quelqu’un au dessus de nous, nos parents, les grands parents, c’est une chaîne. On a passé quelques jours en Afrique dans des familles Africaines, et c’est impressionnant la hiérarchie installée au sein de la famille. Papa, tout le monde l’écoute, Maman écoute Papa, la grande sœur sera écoutée par la petite sœur, et c’est sans fin, dans la rue un adolescent regardé sévèrement ne bouge plus. Le Papa obéit au chef religieux, c’est vraiment une boucle, et toute la société se tient. J’ai bien aimé tout à l’heure quand vous parliez de choses qui se passent autour de vous, comme le petit garçon au distributeur, ça se passe comme ça dans la rue là-bas également, ils ont bien raison de faire 10 ou 15 enfants car c’est très facile de les éduquer là-bas. Et nous, je comprends qu’on n’en fasse que 2 ou 3 parce qu’on est seuls face aux enfants, et on tranche difficilement, parce qu’on sait qu’on est seuls face à eux et qu’ils sont seuls face à nous. 

Réponse :
 Tout à fait, on a perdu les notions de tribu éducative. Mais maintenant, c’est comme ça, on ne peut pas refaire tout cela.. On ne peut pas les refaire, ou il faudrait attendre un certain temps. ! Nous on a voulu sortir de ce système-là, on l’a connu, avec ses effets négatifs. (brouhaha). On a voulu en sortir parce qu’on a voulu cette liberté, on est sortis des sociétés pyramidales et on est dans ces sociétés que les sociologues appellent réticulaires, en réseau, il faut pour s’en sortir être très mobile. Avant on était dans l’entreprise de père en fils, maintenant on va en changer 3 – 4 fois, voire plus. Dans une société réticulaire, ce qu’il faut développer avant tout c’est bien la capacité relationnelle, et celle-ci passe forcément par le respect des civilités, des règles en vigueur, qu’elle soient informelles ou étatiques.

Question d’Alain Capdegelle : 

Je me demandais quelle pourrait être la relation entre l’autorité et l’objection de conscience, mais prise dans son sens le plus large c’est-à-dire est-ce qu’il faut introduire systématiquement cette notion qui à mes yeux est précieuse dans le droit et qu’en pensez-vous ?

Réponse :
 Vous m’interpellez sur la question de savoir quoi faire quand un loi est injuste..

Question :
 Aux yeux d’une personne seulement.

Réponse :
 Oui, j’objecte et je n’obéis pas et je suis prêt même à encourir la sanction. Parce que c’était ça l’objection de conscience, quand le statut n’était pas accordé, c’était 3 ans de prison. Et à force de le faire, le gouvernement a fini par faire évoluer la loi – c’est peut-être aussi la société dans son ensemble qui l’a faite évoluer. Je pense que l’objection de conscience est fondamentale. J’ai assez côtoyé les publics non-violents pour savoir que leurs batailles ont été importantes même si elles posent un problème par rapport au droit. Mais elles peuvent aussi faire évoluer le droit : accepter la sanction Et créer des rapports de force. C’est bien ce qui intéresse les actions non-violentes.

Question :
 Je voudrais parler aussi de micro-sociétés qui existaient au Moyen-Age, je me demande comment il pouvait y avoir une autorité parce que c’était ce qu’on appelait des salvetats, des endroits bien délimités, c’était l’Eglise qui s’en occupait et où les pires bandits y venaient, et là c’était fini, ils s’amendaient et ils y vivaient parfaitement. Comment ça marchait cette chose-là.

Réponse :
 Une zone de non-droit ?

Question :
 De non-droit et de droit absolu puisque les gens y venaient là, des assassins, devenaient des agneaux. Il y en avait un peu partout. 

Réponse :
 Je ne peux vous répondre. En tout cas en France les zones de non-droit ne sont pas tolérées.

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