La quinzaine 2002 : 

« VIOLENCES »


Deuxième soirée : JEUDI 16 MAI 2002


CONFERENCE du Père J. BOUTTIER, Aumônier national du CCFD

   Jean Bouttier, après ses études de théologie, a fait aussi des études de droit et d’économie. Il se plaît à dire que son itinéraire s’organise par tranches de douze ans. De 1988 à 2000, il a été aumônier auprès du Conseil de l’Europe et du Parlement Européen. A cette occasion, il a été confronté à beaucoup de spécialistes de l’économie, de chefs de grandes entreprises. Auparavant, et encore pendant douze ans il a été aumônier de l’ACI et à ce titre il a beaucoup voyagé en Asie et Amérique du Sud. Avant encore il avait été détaché par l’ACI Internationale à Madagascar pour travailler avec les responsables économiques entre autres sur le pla nde l’agriculture et du développement, et il assurait la liaison avec l’Afrique du Sud, Maurice, la Réunion et les Seychelles. Et il a fait des incursions en Chine, etc.

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RTexte de la conférence :

ECONOMIE ET VIOLENCE

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     Je ne suis pas un spécialiste de l’économie, mais j’ai beaucoup travaillé avec des économistes. Par exemple, à Strasbourg dans la préparation d’un forume des communautés chrétiennes on m’avait demandé d’animer un carrefour sur « la manière de dire Dieu dans l’économie ». Il y avait divers responsables. Première réunion, ils ont passé leur temps à m’expliquer qu’on ne pouvait pas être chrétien en faisant de l’économie et que de toute façon, je n’y comprenais rien. Mes questions ne passaient pas. Mais un directeur de banque nous explique comment il faisait en 1992 le commerce des dettes internationales des pays du Tiers-Monde. Déjà, ils traitaient ces dettes au tiers de leur montant. Or les pays du Tiers-Monde continuaient de payer leurs intérêts sur le montant initial et non sur le tiers. Je leur ai fait un compte rendu de ce qu’ils avaient raconté, et la fois d’après, ils m’ont dit : « C’est bien, mais on ne peut pas en rester là ». Ils m’ont fait découvrir que, dans les responsabilités économiques, bien sûr on ne peut pas tout faire, mais il y a des espaces de liberté dans lequel on a un jeu à jouer. C’est ce qu’à travers des banquiers, des ONG, ou chacun de nous en tant que consommateur, et que témoin, on est tous engagés dans cette affaire de rapport économie / violence.

Je commencerai par quelques flashes pour illustrer le rôle de l’économie dans quelques pays que je connais.

Puis évolution du fonctionnement de l’économie depuis 200 ans pour arriver aux formes actuelles de la mondialisation, dont il faut cerner les contours et interroger les conséquences dans tous les pays, le nôtre et les pays en voie de développement.

Quelques pistes de réflexion enfin sur les différentes formes d’engagement.


1. Flashes sur quelques pays

J’ai relevé un certain nombre de pays sur lesquels on peut jeter un regard.

Le problème de la Palestine d’abord, victime d’une insuffisance de l’information. On parle surtout des combats terroristes d’un côté et de l’armée Israëlienne qui réagit. En réalité, les enjeux et les dimensions sont multiples. Le conflit est présenté soit somme un conflit religieux soit comme un conflit entre ethnies alors qu’elles sont très proches, comme on le voit dans la Bible. En fait, ce conflit pose des problèmes fondamentaux car il est en surface de nature politique puisqu’il faut savoir s’il y a de la place pour deux Etats, vu qu’il semble très difficile de n’en faire qu’un seul. Mais derrière, il y a des questions économiques qui forment l’arrière-plan. Par exemple, le problème de l’eau, évident quand on voyage en Palestine. L’eau est captée par l’Etat d’Israël au niveau du lac de Génésareth pour irriguer le Néguev, ce qui retire des moyens de vivre aux Palestiniens. Il y a 260 litres d’eau par Israëlien pour 70 par Palestinien. Plus largement, les moyens de vivre pour les Palestiniens sont de servir de main d’œuvre en Israël. Chez eux, il y a peu d’agriculture, peu de moyens de vivre. Toute l’industrialisation est dans la zone Israëlienne, qui reçoit 20 milliards de dollars d’aide des USA, sans compter les aides privées, avec 8 milliards pour l’armement. L’économie apparaît là comme l’une des causes de la violence. 

Autre exemple, celui des pays du pétrole. Les USA et d’autres s’intéressent à un pays dans la mesure où il y a du pétrole. Dans le cas de la Tchétchénie et de l’Afghanistan, il y a des oléoducs vers la Mer Noire ou l’Océan Indien. Et ce sont des éléments non négligeables du conflit.

Au Soudan encore, où le Nord est musulman, tandis que le Sud, en partie catholique, exploite du pétrole depuis dix ans. Le Nord veut s’assurer les revenus du pétrole. Il y a des batailles autour des lieux d’extraction par des sociétés étrangères. La France vend des armes aux uns et aux autres.

Sur le continent américain, on pourrait parler du Guatémala (au Sud du Mexique). C’est le pays des Mayas par excellence, et des Chiapas. Il est marqué par 30 ans de guerre civile. Il y a eu pendant 10 ans à partir des années 80 la dictature du général Vok, qui est revenu comme président de la Chambre. Les indiens font 60% de la population. Il y a beaucoup de productions de fruits par de grandes compagnies américaines. 20% de la population est en dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 dollars par jour et par personne). On attend les effets de la convention de 1996 pour redistribuer la terre.

Le cas de l’Indonésie, pays émergeant. Il y a certains progrès économiques mais contrebalancés par des crises politiques. Le pays est le premier producteur de bois du monde, mais parce que Suharto a vendu ses forêts pour payer ses dettes. 

Madagascar est un pays où la pêche est importante. Il y a plus de 100.000 pêcheurs artisanaux. Le CCFD cherche à les aider à se regrouper car il y a des limites côtières pour eux, mais l’Etat malgache a fait des conventions pour la pêche à la crevette avec de grandes compagnies qui pêchent y compris dans les zones réservées aux pêcheurs artisanaux. Il y a des capitaux étrangers, y compris français : la France a gardé deux petites îles sur un plateau marin de la côte Ouest L’économie ouvre des éléments de violence, comme on l’a vu avec la guerre de 1976..


Ce panorama très incomplet et rapide suffit toutefois à montrer que, lorsqu’il y a de la violence, certes beaucoup d’autres éléments entrent en jeu, mais on peut être sûr que l’économie y prend une part non négligeable.


2. Histoire de l’économie depuis 200 ans.

Au XVIème siècle et quelques siècles avant, les marchands et commerçants étaient les financiers. C’était eux qui venaient avec leurs produits de l’extérieur.

A partir du XVIIIème siècle apparaît un autre type de financement, capitaliste : un entrepreneur qui mobilise l’argent avec sa famille et une banque qui se lance.  Ceci entraîne la recherche d’un profit maximal  car il y a compression des fonds.

Ce système voit la mise en place chaotique d’une évolution sociale jusqu’en 1945, puis apparaissent les multinationales. Jusqu’au XIXème siècle, le développement capitalistique était de type colonial, avec des flux financiers allant dans le sens Europe -> Asie/Afrique. Après la seconde guerre mondiale, le système change. Les entreprises prennent des dimensions internationales, elles cherchent des lieux où fabriquer pas cher et des marchés. Voir le nombre de gens qui s’installent en Chine à l’heure actuelle (par exemple Citroën), ou encore les entreprises allemandes en Europe centrale, ce qui amène Renault à y vendre à perte pour contrer les allemands.

Les problèmes de fabrication entraînent des problèmes de débouchés. Pour les contrôler, les entreprises multinationales restent souvent à base de structure nationale : le siège social reste dans le pays d’origine, et les cadres y sont recrutés. La forme de financement entretient une certaine forme de violence.

Dans la période précédente, il y avait une liaison assez étroite entre les entreprises et les banques (par exemple, transport à très bas prix par accords avec elles). Maintenant, la mondialisation envahit tout, y compris la dimension financière, avec les progrès techniques grâce à des ordinateurs hyper-rapides. D’où une très grande liberté de circulation des capitaux, qui au départ viennent des Etats. Les USA ont voulu récupérer une liberté sur le dollar (Bretton Woods), d’où la liberté de circulation, et l’ouverture du marché au plan international en faisant appel à des capitaux étrangers. 

On en trouve une confirmation dans l’affaire des pétrodollars dans les années 70, à l’origine des dettes des pays du tiers monde : il y a eu prêt de l’argent sans se demander ce qu’il en était des possibilités de remboursement (ce qui entraîne la nécessité de revoir le système des prêts). Les dettes augmentent à cause de la montée du dollar, elles sont multipliées par 2 ou 3.

C’est un exemple de violence économique.

Dernière phase : ce ne sont ni les banques ni les Etats qui sont les financiers mais par exemple les fonds de placement qui sont gérés par des spécialistes. On assiste donc à la mise en place d’un système des marchés qui se veut « libéral ». Mais la liberté du marché, c’est investir et se retirer quand on le veut, sans aucun contrôle. D’où la crise asiatique et la crise au Mexique (dévaluation du peso de 60% en Février puis de 60% en Mai). La mobilité des fonds financiers fait courir ce genre de risque… 

La spéculation est toujours une spéculation sur les risques. Donc, les entreprises financières se font couvrir par d’autres … ce qui produit une accumulation multiple de dettes, qui a coulé l’Asie, et la Turquie actuellement. Ce système a pu produire de progressions temporaires dans certains pays, comme la Corée du Sud, qui a retrouvé un PIB à peu près valable, mais il comporte de très gros risques, et il y a des tas de gens qui ne se sont pas sortis du chômage te de la pauvreté, et ce, dans des pays où les compensations sont extrêmement faibles.

Ce système engendre directement chômage et pauvreté. Nous avons encore divers systèmes de protection, mais pour combien de temps ? Il est à l’origine directe de la violence faite à des catégories entières de population. Les Anglo-Saxons la mettent en œuvre de manière très agressive. Ils imposent un système de fonctionnement très brutal, avec un rendement à très court terme, ce qui entraîne fermetures et licenciements.

Et comme la part de rétribution du capital est devenues la plus importante dans les comptes des entreprises (voir la part des stock options : au lieu d’augmenter les salaires, on adopte des solutions qui augmentent le profit financier), on voit que cela concerne la stabilité des entreprises et celle des emplois. Toute une partie de la population est conduite à la marginalisation. La question de la finance pose tout le problème d’intégration de tous ces gens marginalisés. Ceci a fait l’objet d’une réflexion de la section de Saint-Etienne du CCFD, qui a été amenée à travailler sur la fermeture brutale, en quelques semaines, des mines en Bolivie te au Pérou, qui a laissé sans aucune ressources du jour au lendemain des milliers de foyers, qui ont dû se reconstruire tout un tissus de vie –ce qui, en retour, a profité aux anciens mineurs de Saint-Etienne.

Mais ceci nous entraîne du côté des réflexions sur les pistes de travail.


3. Quelques pistes de travail et de réflexion.

Le système semble si écrasant que l’on pourrait s’y résigner, comme s’il s’agissait d’une fatalité. En fait, il existe multiples voies, certes modestes, mais dont chacune est porteuse d’avenir. A chacun de s’en emparer en fonction du lieu où il se trouve et de la place qu’il y occupe.

-Travailler à une économie alternative : c’est à la fois souvent un travail pour la paix, avec la dimension économique. Il s’agit de remettre sur pied des pays qui se sont effondrés. Des initiatives en ce sens existent en Bosnie, en Croatie, dans la région des grands lacs, en Palestine. Il s’agit  de réparer les dégâts qui ont été ceux de la guerre. Il y a des possibilités d’action à la base : reconstruire des écoles, des quartiers. Ou bien, comme en Croatie, avec le problème du retour des Serbes.

-Travailler autour des financements, dont on parle beaucoup en ce moment : une lutte est nécessaire contre les paradis fiscaux (la moitié du financement mondial passe par eux, y compris les fonds d’Etat), qu’il est pour cette raison très difficile de maîtriser. Là-dedans, vous avez de l’argent qui peut venir de la drogue, mais comme il y a aussi les fonds d’Etat, on n’y est pas vraiment étrangers. Les institutions démocratiques doivent obtenir la maîtrise du financement libéral, condition de la spéculation. Il faut instaurer le contrôle de l’Etat, ce dont on parle aussi beaucoup en ce moment, mais sans aller beaucoup plus loin car il y faudrait des moyens énormes : contrôler les quantités d’argent placés dans certains pays, voir les conditions dans lesquelles cela s’est fait. Des points précis pourraient être régulés, mais cela suppose une entente entre Etats. Un seul pays ne peut rien. L’Europe en tant que telle pourait avancer.

-L’engagement dans le développement, pour faire face aux besoins des pays en voie de développement : besoin de s’organiser, principalement.. On assiste en effet à la montée de l’organisation en sociétés civiles qui puissent devenir des interlocuteurs pour discuter, comme au Mali, de la façon dont est utilisé l’argent qui leur arrive. Cela commence à se faire, au Mali par exemple, où le président a accepté de jouer ce jeu là, avec remise de la dette au taux du FMI, mais  en acceptant que la société civile et les ONG participent aux projets, à leur gestion et à leur financement. Donc, ce n’est pas impossible, mais cela demande une tout autre manière de concevoir la coopération. La question des migrants joue un rôle dans ce problème. Les migrants au Mali, ceux qui vivent en France, renvoient plus d’argent que la coopération Française n’en apporte : ils ont un plan de développement concernant leurs villages et pas seulement, où ils apportent leurs compétences et leur argent. Les apports financiers des migrants sont largement supérieurs aux aides des Etats à la coopération ! A ce sujet, il faudrait aussi reparler de l’OMC et de ce que l’on appelle la « liberté du commerce ». Or, le commerce n’est juste que lorsqu’il se fait entre partenaires égaux. Quand il est fait dans des conditions aussi inégales que les nôtres, cela devient très dangereux. Il faudrait trouver, avec des moyens en termes d’arbitrage et de dialogue, comment ces gouvernements-là pourraient ne pas accepter tout et n’importe quoi, et de pouvoir dire non. Parce que nous leur imposons la liberté du commerce-on pourrait demander aux Etats-Unis comment ils font, et si on prend la PAC en Europe, demandons-nous aussi comment nous faisons ! Nous payons très cher pour produire des bêtes, on paie cher encore à l’exportation, pour revendre tout cela à l’Afrique moins cher que ce qu’ils peuvent produire eux. Moi, j’ai mangé du beurre par exemple à Tananarive, à moitié prix du prix local, c’était le beurre Européen, qu’il fallait de temps en temps sortir des frigidaires.  Et cela empêche Madagascar de fabriquer du beurre. Ce système peut tuer la production, c’est ce qui s’est passé en Amérique Latine à la suite du premier choc pétrolier. 

-La question de l’écologie, sur laquelle je n’insisterai pas parce qu’elle est connue, est aussi à aborder en ce sens. Elle est mondiale et ne peut se faire que par un accord entre les Etats. 

-La nécessité de mener diverses campagnes, auxquelles participe le CCFD avec d’autres organisations, et qui sont soit du lobbying pour conscientiser les gens sur un certain nombre de problèmes : par exemple celle de l’Eglise pour l’annulation de la dette avec ses 550.000 signatures. Celles qui visent l’aide publique au développement, ou l’éthique sur l’étiquette (qui vise certains grands magasins), où on essaie de faire en sorte que le mode de fabrication soit plus respectueux des personnes –très difficile dans ces pays-là car si on veut que les enfants ne travaillent pas, il faut que les parents soient payés ; mais même si c’est complexe, on peut agir là-dessus, et vous avez un certain nombre de grandes surfaces qui se sont engagées à être attentives dans certains domaines, sur cette question des modes de fabrication. Ou encore le commerce équitable, avec un cas comme celui du Guatémala, où il s’agit de résister à la chute des prix de vente du café ; les grandes plantations licencient à tour de bras après les avoir chassés de leurs terres pour les leur prendre…  Mais le commerce équitable continue de fonctionner parce qu’il est en lien avec un circuit conventionnel qui lui fournit les moyens de travail et qu’il rembourse avec la production, et qui lui fournit un débouché commercial constant et ce sont eux actuellement qui s’en tirent le mieux. Il est vrai que c’est une toute petite chose, le commerce équitable, cela représente environ 2% du commerce du café, mais c’est quand même quelque chose de significatif. Je crois que l’intérêt de toutes ces actions au ras du sol et de toutes ces campagnes, ce n’est pas dans la proportion quantitative, c’est surtout leur signification et l’éveil des personnes auquel cela peut contribuer. Il y a aussi enfin, dans un autre genre, des rassemblements comme à Porto Allegre. Cela a un style de grand bazar, mais le dernier, qui s’est tenu en Janvier 2002 et qui réunissait des dizaines de milliers de personnes,  commence à faire en sorte, non pas que les associations puissent avoir une politique commune, mais que se développe la diffusion de certaines valeurs auxquelles on tient à se référer. Donc, il y a quand même une société civile internationale qui commence à naître à travers ces choses-là. On n’en est qu’au début, mais c’est tout de même important, au point que cette fois-ci, au CCFD, on a investi assez largement pour la présence de partenaires des différents continents, en particulier Africains qui n’avaient jamais eu l’occasion de participer à des choses de ce genre,  pour qu’ils puissent s’exprimer bien sûr mais aussi entrer en relations avec des partenaires du monde entier et qu’ils découvrent de nouvelles solidarités, de nouveaux liens de coopération. Les responsables Brésiliens ont d’ailleurs été sensibles à l’importance de l’enjeu, puisqu’ils ont tenu à conserver la gestion des prochains forums, avec un esprit responsable, que cela ne soit pas tout et n’importe quoi, que cela soit géré avec u nesprit d’ouverture te de dialogue libre, mais aussi d’efficacité

-Il faudrait enfin développer la campagne en faveur des placements éthiques, rendus possibles par l’existence de fonds de placement éthiques et de partage. Le classement des placements dans la catégorie « éthique » repose sur une centaine de critères. Ces placements ont des conséquences sur le travail de ces entreprises dans le pays surveillé par les partenaires.


Débat avec le public


Question sur les possibilités de résistance aux réseaux internationaux de la drogue.

Réponse : Ce serait très difficile, mais la première chose à faire, ce serait de supprimer les consommateurs ! (rires). Bien sûr, il faut faire porter l’effort sur la répression contre les réseaux de distribution plus que contre les jeunes consommateurs plus ou moins occasionnels, mais le vrai problème est ailleurs. Prenons le plan Columbia, voulu par les américains en Colombie. Cela consiste à détruire les plantations de drogue, en les arrosant de produits …qui empestent la population. Mais le résultat, c’est que les paysans n’ont plus rien pour vivre. Ils vont planter leur drogue un peu plus loin, c’est tout. Donc, tant que les paysans trouveront des clients pour leur drogue, il sera très difficile d’arrêter réellement ce genre de trafic. Remplacer, dans les productions agricoles, la drogue par autre chose, est très difficile eu égard aux conditions de vie des agriculteurs, qui ne trouveront jamais quelque chose qui rapporte autant ! Donc, on ne peut pas isoler la question de l’approche globale de circuits très complexes. Le premier travail serait un travail d’éducation.

Question : Hommage aux personnes qui s’organisent dans les pays du Tiers-Monde, et en particulier en Colombie. Le plan Columbia a été imaginé par les américains pour éradiquer la culture non seulement de la coca mais aussi du pavot, très cultivé là-bas. Ce plan a été écrit en anglais dans un pays qui parle l’espagnol, et il a été financé pour 6 milliard par les USA, et un peu par l’UE. La plus grande partie de cet argent a été utilisé pour le développement de l’armée colombienne et l’achat d’armement ? La partie qui concerne l’éradication de la drogue a en fait entraîné une destruction de la nature et provoqué des maladies respiratoires très graves chez les paysans, des fausses couches et des départs massifs de paysans partis ailleurs cultiver la coca. Les américains avaient tout prévu, sauf prévoir une culture de substitution, ce qui coûte bien plus cher que de fabriquer des obus. Au cours d’un séjour en France, une Colombienne, malgré l’extraordinaire développement de ce libéralisme dénoncé par ATTAC, et autres mouvements, s’est montrée très déterminée à lutter, avec une foi totale dans l’avenir de son pays et de sa construction, alors qu’il y avait une espèce de fossé entre la faiblesse des moyens de son association de femmes et son dynamisme, et son espoir de casser ce néo-libéralisme qui est entrain de tuer non seulement les homes mais aussi la culture. A –t-on quelque chance de sortir de cette logique néo-libérale ? 

Réponse : Il faut être contre la gestion libérale de la mondialisation. Ceci correspond à la position de Suzanne Georges et d’Attac. Il faudrait un organisme d’arbitrage, pour coordonner les organismes mondiaux. Par exemple, l’OMC peut décider, au nom de la liberté du commerce, contre l’OMS ou la FAO. Ils ne tiennent aucun compte de ce que font les autres institutions internationales. Il pourrait y avoir peu à peu, conformément d’ailleurs à la demande faite déjà par Jean XXIII, une organisation du pouvoir international, qui puisse gérer ces choses-là. Pour le moment, il n’y a rien. On tend aujourd’hui à une sensibilisation de gens compétents pour trouver un fonctionnement international. Et ce n’est pas sans poids, comme on le voit au livre de Lamy, le commissaire Européen, et il dit que d’une part, le Tiers-Monde est capable de dire non, et que d’autre part, on ne peut rien faire sans les ONG, ce qui n’est tout de même pas mal pour quelqu’un de sa fonction. Il y a eu un prise de conscience d’une certain personnel politique. 

Question sur le Japon qui protège Fujimori.

Réponse : Ce n’est pas par un boycott économique qu’on aboutira, car vu la situation internationale, je ne crois pas que ce soit possible.  Il faut accentuer le travail d’information.

Interventions diverses de la salle dénonçant la mondialisation qui aboutit à un accroissement des inégalités, et à la montée des extrémismes comme en France et aux Pays-Bas.

Question : Vous avez dit que l’aide donnée par les nations occidentales à leur agriculture était une violence pour l’agriculture des pays du Tiers-Monde. Si vous étiez ministre de l’agriculture, qu’est-ce que vous feriez ?

Réponse : Une des problèmes du Ministère de l’Agriculture en France, c’est qu’il n’écoute qu’une fédération, la FNSEA, qui a toujours été la partie motrice de la PAC depuis le début. La PAC a été depuis le début une invention française imposée à tous les pays européens. On l’a défendue au delà de toutes les limites car on sait très bien qu’elle est dépassée et qu’elle ne peut pas fonctionner. Mais la FNSEA a continué à la soutenir jusqu’à ces toutes dernières années. Le financement de la PAC est basée sur la quantité. La FNSEA est dirigée par les grainetiers. Si vous prenez la Bourse, plus ils produisent de blé, plus ils sont payés, même s’ils produisent de trop. On l’exporte. On n’est pas les seuls. Depuis la crise économique américaine de 1982, on tue la production agricole, car on en arrive à exporter des produits que nous finançons tellement qu’ils arrivent à un prix très bas chez l’acheteur. A Madagascar, le but du FMI était de faire baisser le prix du riz, et ils y sont arrivés : 200 F malgaches en moins en deux jours ! A Antsirabé, c’était la catastrophe par c’était en fait la première année que les paysans s’étaient dit : ça vaut la peine de cultiver du riz puisqu’on peut le vendre à tel prix. Nous subventionnons la quantité ET l’exportation, cela coûte cher ! La Confédération Paysanne a des propositions d’un métier agricole assez respectueux de la nature et permettant de vivre, pas avec des chiffres énormes, mais correctement. En Mayenne, il y a quelques fermes qui crèvent, mais il y a surtout l’apparition de grosses fermes suite à la pression de toutes sortes d’organismes comme le Crédit Agricole sur la quantité, des investissements de matériels à de tels prix, que même en jouant la quantité ils ne s’en sortent pas. Par rapport à cela, la position de l’Union Européenne a des aspects intéressants. 

Intervention d’un représentant de l’association ATTAC, qui souligne les convergences avec les propos du conférencier.

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