INNOVATIONS  POUR  LE  BIEN  COMMUN

Table ronde  du 30 novembre 2018

 

 

 

Intervention de

 

Michel Gazeau

architecte

Quelques mots pour expliquer le diaporama que je vais vous présenter. Je fais des recherches sur les maisons écologiques depuis 1975 et, depuis ce temps-là, en tant que chrétien, j'ai travaillé sur des maisons qui respectent la Création et qui s'appuient sur des concepts les plus simples possibles, développées pour des personnes à faible revenu. Le challenge que je me suis donné était de faire des maisons à faible coût, dans le respect de la Création, de nos besoins, des personnes qui habitent ces maisons et des personnes qui les construisent. 

 

Je commence cet exposé par une petite devinette. Qui a écrit ce texte ? : "Tandis que l’horizon et l’homme se modifient, une autre transformation se fait sentir, conséquence aussi dramatique qu’inattendue de l’activité humaine. Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation.

....c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable. ... C’est vers des perceptions neuves que le chrétien doit se tourner pour prendre en responsabilité, avec les autres hommes, un destin désormais commun."

 

Réponse : C'est le pape Paul VI, le 14 mai 1971, dans sa lettre apostolique sur les questions sociales « Octogesima Adveniens" (n °21), à l'occasion du 80e anniversaire de la publication de l’encyclique « Rerum Novarum » du Pape Léon XIII, publiée le 15 mai 1891. On peut donc dire qu'il y a déjà très longtemps que nous avons été alertés sur les risques du développement technologique et économique. Si l'on se trouve maintenant dans cette impasse, on peut dire qu'on aurait pu mettre en œuvre des politiques adaptées depuis de longues années.

 

   Pour comprendre la maison que je vais vous présenter, construite avec mon épouse - la dernière construite, car nous en avons construites plusieurs à Lourdes pour les améliorer progressivement - je vais vous montrer les quatre piliers de notre démarche, pour qu'elles portent vraiment sens : 

    - Le premier, c'est évidemment la notion du bien commun, la maison commune. Nous nous inscrivons dans cette démarche : Est-ce que notre maison va peser le moins possible sur le bien commun, et peut-elle au contraire contribuer à améliorer le bien commun ? Il y a aussi une question de responsabilité, comme le pape vient de nous le rappeler, et il y a aussi la question de l'équité.

    - Le deuxième pilier, c'est la subsidiarité, c'est-à-dire de faire tout ce qui nous est possible de faire à notre niveau, et les subsides (c'est-à-dire les aides du degré supérieur de l'organisation sociale) n'interviennent que lorsque l'organisation inférieure n'est plus capable de mettre en œuvre elle-même ces choses. Retenez que l'on va essayer de faire le plus possible de choses à notre niveau.

    - Le troisième pilier c'est la solidarité et le partage, dans l'idée de partager à la fois nos recherches, nos découvertes, à la fois de partager le travail. Vous verrez que ces maisons sont auto-constructibles, elles permettent à des personnes sans emploi de participer à des construction, voire même de construire pour elles. Elles permettent aussi de mutualiser de l'argent pour investir dans ces maisons. Vous verrez que c'est une possibilité de placer de l'argent  à bon escient, c'est un placement qui rapporte.

    - Le quatrième pilier c'est l'autonomie de l'homme et la notion de moyens pauvres. C'est ce que Pierre Rabhi suggère dans la joyeuse sobriété. C'est ce que l'Eglise suggère dans l'option préférentielle pour les pauvres.

           Cette maison à Lourdes est à peu près à 600 mètres de la mairie et c'est une maison à énergie positive, c'est-à-dire qu'elle produit plus d'énergie qu'elle n'en consomme. Elle est malheureusement dans le périmètre des Bâtiments de France, car il y a d'anciens fours à chaux au cœur de la ville de Lourdes et nous sommes dans ce périmètre ; ce qui fait que notre maison n'a pas été construite comme nous l'aurions souhaité parce qu'elle doit respecter les critères des Bâtiments de France en termes de couverture en ardoises, dans l'esprit des maisons de Bigorre. C’est un paradoxe parce qu'aucune des maisons autour n'a ces critères. Il a fallu s'adapter à ces règles. 

 

Vous voyez qu'il s'agit d'une maison fabriquée avec des planches de coffrage, un sous-produit des scieries qui réservent le plus beau bois aux charpentes et d'autres planches pour faire du bois de coffrage qui sert à couler le béton. Comme outil, on a donc une scie pour couper les planches dans la longueur et une visseuse pour assembler tous ces morceaux de bois avec des vis.

C'est d'abord une maison solaire thermique, c'est-à-dire comme vous le voyez dans le cercle. Toute une partie de la façade sud comporte des capteurs solaires thermiques, c'est-à-dire qu'ils vont transformer l'énergie du soleil en chaleur. Cette chaleur va servir principalement à chauffer la maison et elle va chauffer toute l'eau sanitaire. Dans la recherche des moyens simples, on a utilisé des capteurs auto-construits. Comme vous le voyez, c'est fait avec de la tôle ondulée sur laquelle est fixée un petit tube de cuivre, ligaturé avec un morceau de fil de fer. Tout cela est peint en noir et placé derrière une vitre, récupérant ainsi la chaleur. Mon épouse a réalisé les ligatures avec une tenaille. Ces moyens sont à la portée de beaucoup de gens ayant une bonne intelligence manuelle, sans obligatoirement avoir une grande compétence technique.

Le deuxième principe utilisé dans cette maison est la thermo circulation de l'eau. L'eau froide qui arrive au capteur va traverser les tubes posés sur la tôle noire, elle se réchauffe et, l'eau chaude étant plus légère que l'eau froide, elle va circuler en boucle toute seule, sans pompe, sans électricité ni électronique. Elle tourne simplement par différence de densité entre la partie chaude et la partie froide. Le soleil va chauffer le capteur et l'eau va s'accumuler d'une part dans un mur lourd chauffant qui est au centre de la maison et d’autre part dans le ballon d'eau chaude sanitaire.

 

Dans une autre démarche, pour limiter l'impact de la maison, cette maison n'utilise aucun béton coulé : il n'y a pas eu un litre de béton coulé. Les seuls blocs de béton utilisés sont des agglos posés sur des pavés autobloquants dans le fond des fondations. La maison, qui est en bois, beaucoup plus légère que les maisons en dur, supporte facilement de n'avoir que quelques points de fondation. C'est-à-dire que lorsqu'on la démolira un jour, cette maison est prévue pour laisser le terrain exactement dans la configuration du jardin qui était là autrefois, et l'on pourra récupérer ses éléments constitutifs. Elle est complètement démontable et complètement réutilisable, sans avoir à utiliser de grandes quantités d'énergie pour sa démolition.

 

Autre élément : la production photovoltaïque. Il y a des capteurs sur l'auvent qui vont produire l'électricité pour la maison. La centrale a été connectée en janvier 2010, elle a produit 28.000 kWh revendus à EDF pour 15 600 €. Elle a consommé 10 300 kWh (la nuit, nous sommes obligés comme vous d'acheter l'électricité à EDF). Nous sommes dans un rapport de 2 à 5. Ainsi cette maison, bien qu'elle assure en même temps notre mobilité en permettant de charger les batteries de la voiture électrique, est excédentaire en énergie. Là où des gens ne peuvent pas mettre du photovoltaïque, ceux qui le peuvent vont injecter dans le réseau le surplus de leur consommation. Evidemment, la même démarche comprend la diminution de consommation d'électricité. Vous voyez que sur plus de 8 ans, nous avons consommé 10 000 kWh alors que la consommation annuelle française d'un foyer est de 4 700 kWh. On est vraiment dans des réductions très importantes de la consommation électrique. Dès 1999, lors de la construction de notre première maison, nous avions déjà connecté notre production photovoltaïque au réseau.

 

Le problème des maisons à ossature bois, c'est qu'elles sont très légères : elles chauffent très rapidement mais se refroidissent aussi très rapidement. Il faut donc ajouter à l'intérieur ce que l'on appelle de l'inertie thermique, des masses lourdes qui vont stocker les apports solaires pour les restituer très progressivement dans la maison. Le carrelage participe à cela : ce sont des dalles de jardin en béton posées sur un plancher de bois, sur des petits patins de liège. Le carrelage de la maison est collé sur chaque dalle et pourra être réutilisée après éventuel démontage de la maison. On voit ici la fabrication des murs chauffants, avec mortier et pierres froides du pays, traversés par des petits tubes de cuivre verticaux transportant l'énergie captée par les capteurs solaires. Ce mur-là, entre le séjour et la chambre, fait 2,5 tonnes. De la même manière qu'autrefois où l'on mettait dans le lit une brique chauffée dans le four de la cuisinière, ici la brique fait 2,5 tonnes. Elle demeure démontable, car ces panneaux se soulèvent, et l’on peut sortir le mur par grutage.

 

Evidemment, la question qui se pose est : "Que fait-on lorsqu'il n'y a pas de soleil pendant plusieurs jours?". Les capteurs solaires thermiques fonctionnent même quand le ciel est un peu couvert. J'en profite aussi pour dire que dans cette maison, lorsqu'il fait beau, en tant que chrétien, on se dit : « Merci, Seigneur, tu chauffes notre maison et notre eau, tu alimentes tous nos objets électriques et notre voiture ». Quand il ne fait pas beau : « Merci, Seigneur, de remplir nos citernes alimentées par l'eau qui tombe sur notre toit. »

 

En ce qui concerne la chaudière, c'est une chaudière à très haut rendement qui évite de rejeter des pollutions. Vous voyez que la consommation est d'un demi-mètre cube par an, ce qui permet de n'envoyer que très peu de polluants dans l'atmosphère et de ne ramoner que tous les quatre ans, même en utilisant le bois de chaudière. Ce poêle est entouré d'eau. Il ressemble à un poêle, mais c'est une petite chaudière qui est connectée sur les murs chauffants et sur les ballons.

 

Pour ce qui est de l'eau, il y a trois réservoirs en plastique sanitaire qui reçoivent les eaux de pluie. Il y a sept niveaux de filtration. Nous voyons ces sortes de boites dans lesquelles il y a du sable et du gravier, du charbon de bois. Il y a un petit surpresseur électrique qui va pomper l'eau des cuves qui sont dans la cave vers la maison. Pour finir, l'eau alimentaire arrive sur l'évier par un deuxième robinet où arrivent les eaux filtrées par une cartouche céramique de très faible porosité, évitant aux micro-organismes de passer au travers. Depuis 9 ans que l'eau est installée dans notre maison lourdaise, nous n'avons jamais eu à demander à notre voisin de nous remplir une citerne, cela ne s'est jamais produit.

 

Pour que la maison fonctionne bien avec si peu d'énergie, c'est qu'elle est très bien isolée. On voit dans les plafonds l'équivalent de 50 cm de laine de verre et dans les murs nous sommes à 27 cm d'équivalent laine de verre. Nous utilisons en fait des matériaux biosourcés, de la ouate de cellulose (du papier journal recyclé sous forme de ouate), de la sciure et des copeaux de bois mélangés qui ont aussi de très bonnes caractéristiques thermiques. J'en profite pour rendre hommage à un petit groupe d'élèves du lycée professionnel Vincent de Paul à Tarbes. Ce sont des jeunes de section décrochage. A partir d'une bouteille située au centre d'une boite, ils ont expérimenté différents matériaux isolants disposés dans la boite autour de la bouteille. On regarde les courbes de décroissance de la température de la bouteille en fonction des différents isolants disposés autour. La courbe bleue au-dessus est celle de la laine de verre, servant de référence. La courbe en-dessous est celle de la sciure et des copeaux. Nous constatons une différence de simplement 15% avec celle de la laine de verre. Nous compensons facilement, car il s'agit de matériaux très peu chers, en mettant un peu plus d'isolant à faible coût que de laine de verre. C'est intéressant, car les copeaux et la sciure sont des sous-produits et des déchets. Par ailleurs, la maison est isolée par des très gros volets très isolants, à l'intérieur-même de la maison. Comme c'est une maison solaire passive, il y a un grand châssis vitré dessus, avec simple vitrage. Quand les apports solaires sont supérieurs aux déperditions de la baie, on laisse le volet ouvert, et quand les déperditions sont supérieures à l'apport solaire, on ferme ce gros volet coulissant, préservant la maison des déperditions vers l’extérieur.

 

La maison est en lien avec le jardin et la production de légumes (compagnonnage avec Pierre Rabhi). Les toilettes sont des toilettes sèches qui nous permettent de récupérer les matières pour en faire de l'engrais.

Cette maison est conçue comme un écosystème. Le poulailler participe à notre sécurité alimentaire, à notre autonomie et, en même temps, sert à la production d'engrais. La permaculture dans le jardin permet une production alimentaire. Ceci, sur 500 mètres carrés, sans autre entrant que ces engrais.

 

Il existe plusieurs sites internet qui permettent d'évaluer nos émissions de CO2. En moyenne, en France, nous sommes à 7-8 tonnes de CO2 par personne. Le Koweït produit trois fois les émissions de la France, l'Angleterre et l'Allemagne étant à peu près à notre niveau. Avec notre maison, on se situe entre l'Inde et le Pakistan en terme d'émission de CO2. En analysant plus, on voit que, sur l'habitat et le transport, nous sommes très faibles ; mais, malgré notre adhésion à une Amap et notre production venant du jardin, l'alimentation est un poste lourd d'émission de CO2 et, en particulier, la production de viande. Un autre poste sur lequel nous ne sommes pas très bons (à la moitié seulement de la moyenne française), c'est sur tout ce qui est équipement de la maison.

 

Pour parler de l'aspect économique, pour nous, de cette maison, nous sommes à 15 € annuels en dépense de chauffage (en achetant le bois sur les coupes de bois de la commune de Lourdes : 15 € un mètre cube qui nous revient). Pour une maison équivalente, c'est actuellement 1 500 €  de dépense annuelle de chauffage. Pour l'électricité, nous économisons environ 350 € par an par rapport à la moyenne française. Sur l'énergie électrique vendue à EDF,  c'est 1 750 € par an. Sur les carburants, c'est autour de 600 € économisés par le véhicule électrique. Pour la production des légumes et des œufs, nous sommes à 700 €. Au total, c'est une maison qui rapporte, c'est une source de réduction de nos dépenses que d'utiliser ce genre de techniques.

 

Juste un mot sur le progrès. 

 

- Si l'on considère le nombre d'heures de travail pour obtenir une heure d'éclairage du temps de la lampe à huile (1700 ans avant J-C environ), il fallait un travail de 50 heures (extraction de l'huile, etc...). Au fur et à mesure, la bougie, la lampe à pétrole, on va arriver avec la lampe fluorescente à 0,5 seconde de travail humain pour avoir une heure d'éclairage.

 

- On retrouve le même phénomène pour le poêle : l'âtre, la cheminée (émission de 12 000 gr de CO) avec un rendement calorique de 8 à 10% seulement ; et ensuite, au fur et à mesure que l'on avance, on arrive à notre poêle qui, avec 3 500 gr de CO émis, a un rendement de 70 à 75%. A noter que "Planète Bois", à Tarbes, a mis au point un poêle-buche de technologie très performante puisqu'ils arrivent à 92% de rendement avec simplement 50 gr de CO émis, alors qu'un poêle à granulés des plus performants est encore à 250 gr.

 

En résumant les critères que nous avons utilisés pour la construction :

   - Le premier critère est que la maison possède, selon le principe du Mécano, des éléments démontables et recyclables ; tout est vissé ou boulonné. A Lourdes, nous avons de très fortes contraintes sur les règlements sismiques et, bien que la maison soit en bois, elle est calculée pour résister aux séismes.

   - Le deuxième critère, c'est qu'elle doit être auto-constructible. Les moyens que nous avons utilisés l'ont été avec des gens au chômage, avec des gens sans formation technique très poussée. Nous l'avons vu sur les capteurs thermiques, tellement simples à fabriquer. Actuellement, la plupart des capteurs thermiques viennent de Chine. Ce sont des tubes sous vide très sophistiqués pour en augmenter le rendement. Notre rendement est beaucoup plus faible, mais il nous suffit d'augmenter la surface. Pour vous donner l'ordre de grandeur : en auto-construction, un mètre-carré de capteur mis sur la façade a un surcoût de 50 € par rapport à un mur normal. Un capteur solaire thermique de Chine coûte 1 000 €. Pourquoi aller chercher en Chine des capteurs que l'on peut fabriquer avec des moyens aussi simples? Comment en est-on rendu là? Pourquoi notre système économique en est-il rendu à de telles aberrations?

   - Autre aspect, celui de l'utilisation de produits réutilisables. 

Vous avez vu qu'ici, on utilise du cuivre, avec des brasures faites à l'étain. En chauffant la brasure, on récupère les tubes. C'est un peu un Mécano, la construction en cuivre. C'est vrai que l'on investit sur un produit mais, en circuit fermé, il y a très peu de corrosion.

Nous avons pris comme principe d'utiliser prioritairement le bois, en s'interdisant la construction en béton. Bois, énergie renouvelable qui capte le carbone, produit local recyclable, scié dans une scierie non loin, à Montaut.

   - Autant que possible, on utilise les technologies les plus simples, excepté le photovoltaïque. Actuellement j'utilise un petit ordinateur : c'est une carte, fabriquée en Angleterre, qui coûte 36 €. Et surtout, elle consomme 8 watts.

   - Autre critère que l'on s'est donné : utilisation de matériaux biosourcés, issus de la photosynthèse ; produits locaux et végétaux ; ensuite utilisation de produits pouvant produire plus d'énergie qu'ils en consomment. Un reproche que l'on nous fait souvent concerne l'énergie grise : "Oui, mais le photovoltaïque, ça consomme beaucoup d'énergie lors de sa fabrication". Au bout de trois ans, la totalité de l'énergie nécessaire à sa fabrication a été restituée et, ensuite, le photovoltaïque va continuer à produire durant 20 à 30 ans. On a donc un ratio de presque 10 entre l'énergie grise prise pour fabriquer le capteur et l'énergie restituée par la suite. Ceci dit, la filière du photovoltaïque est très élaborée sur le recyclage. On recycle tous les éléments chimiques que comportent les capteurs photovoltaïques. 

Une des obligations que l'on s'était donnée était de partager les informations sur l'impact du produit sur la planète. Nous avons un site internet sur lequel sont mises toutes ces informations pour qu'elles soient partagées librement. Ce site est sur un système libre, protégé de toutes les attaques habituellement retrouvées sur les autres systèmes, particulièrement Windows. Sur ce site se trouvent même les plans réalisés par nous ou que d'autres auto-constructeurs qui se sont associés à notre démarche ont expérimentés.

Comme je vous l'ai dit, nous nous sommes interdit le béton, mais aussi tous les produits non-réparables. La plupart des produits sont fabriqués par nous-mêmes ; ainsi nous sommes sûrs que nous saurons les réparer.

 

Pour revenir à nos quatre piliers, c'est la doctrine sociale de l'Eglise qui nous donne ces éléments de réflexion et de sens. Il s'agit simplement d'une traduction, à notre façon, de ce que nous donne l'Eglise. La dernière évolution de la doctrine sociale de l'Eglise nous est donnée par "Laudato si" et là, pour une fois, on trouve des points concrets. Voici les propositions que fait le pape :

.  Notre champ d’action : autour de nous !
.  Agir maintenant.
.  S’informer sur les conséquences de notre mode de vie.
.  Agir localement en communauté.
.  Utiliser les énergies renouvelables et économiser l’énergie.
.  Mieux recycler - ne pas gaspiller.
.  Faire pression sur les politiques pour relever le grand défi de notre temps.
.  Dialoguer avec les autres en vue du bien commun, de la maison commune.
.  Changer nos habitudes de consommation pour vivre plus sobrement.
.  Alimenter, en communauté, la passion de préservation du monde.
.  Interroger et creuser notre foi.
.  Mettre Dieu au centre de notre action par l’Eucharistie.

.  S’appuyer sur Marie et Joseph.

Tous ces éléments sont noir sur blanc dans l'encyclique "Laudato si".

 

 

Je vous remercie.


 

 

 

Intervention de

 

Sophie Villard

agronome

            Bonsoir à tous. Je vais vous parler d'une expérience assez différente, qui se passe pas très loin de Lourdes, entre Tarbes - Ibos - Fontrailles. J'ai créé un bureau d'études il y a quelques années pour travailler sur le développement de la méthanisation agricole.

Qu'est-ce-que la méthanisation agricole ? L'idée de la méthanisation, c'est de produire du gaz avec des effluents d'élevage et des résidus de culture. On prend ces résidus, on les met dans un méthaniseur qui ressemble à un gros digesteur, à un gros estomac. Ce digesteur est à une température de 38-39 degrés, permettant de fabriquer du méthane. On récupère ce méthane, on l'épure. Il peut alors avoir deux destinations : Soit il est réinjecté dans les réseaux de gaz, qui est le gaz de ville dont nous disposons pour alimenter nos logements, soit il peut passer dans des moteurs de co-génération pour produire de l'électricité et de la chaleur. Ce sont des technologies relativement simples, biologiques, et qui se développent en France depuis quelques années avec l'objectif de produire soit de l'électricité soit du gaz.

   

 

 

      Voila un petit schéma qui montre d'un côté les cochons les poules et les vaches, et de l'autre côté on peut soit alimenter nos foyers, soit produire de l'électricité. Et puis depuis quelque temps on utilise le gaz pour alimenter les véhicules.

 

 

     Donc, lorsque je me suis aperçue de cela, j'avais auparavant pas mal travaillé sur les filières courtes, et du coup je me suis dit pourquoi ne pas produire du gaz sur un territoire et l'utiliser dans les véhicules sur ce même territoire? Avec l'intérêt de réduire l'impact environnemental en utilisant le gaz dans les véhicules (il faut des véhicules un peu spécifiques pour utiliser ce gaz).

 

     Contrairement aux autres carburants, le gaz permet de réduire l'oxyde d'azote, permet de réduire l'émission de particules fines, permet de réduire le bruit occasionné par les véhicules. Dans le cadre produit par l'agriculture ou d'autres sources organiques, on a un gaz complètement renouvelable.

     Avec actuellement un autre intérêt - et c'est totalement d'actualité -, le gaz  étant peu taxé est vendu beaucoup moins cher que l'essence ou le gasoil. Intérêt supplémentaire : Le gaz peut être produit sur notre territoire, ce qui permet de maintenir de l'emploi local, de développer une économie locale. Il faut noter que, si le public vit assez mal l'installation d'unités de méthanisation sur leur territoire, lorsque les gens comprennent que le gaz produit peut nous permettre de circuler, l'acceptabilité est beaucoup plus importante et il devient beaucoup plus facile de faire accepter la production en amont. Les gens prennent conscience que l'unité de méthanisation peut servir à tout le monde, va participer à réduire l'impact environnemental, va permettre de rouler.

 

 

  Aujourd'hui c'est un carburant qui est relativement peu utilisé en France, même si depuis 2 ou 3 ans on commence à le développer. Dans d'autres pays du monde il beaucoup plus utilisé et c'est aujourd'hui le premier carburant alternatif utilisé en quantité dans le monde. Il existe sous deux formes :

- La forme GNC, c'est-à-dire du gaz simplement comprimé

- Il existe une forme liquéfiée, essentiellement utilisée par les camions pour pouvoir parcourir de longues distances.

Je vous passe les détails sur les différentes utilisations dans le monde... Notons cependant que la France est jusqu'à présent un peu en retard, même par rapport à d'autres pays européens, puisque ce carburant est depuis de nombreuses années beaucoup plus utilisé en Italie ou en Allemagne. Tous les constructeurs autres que français produisent des voitures au gaz depuis pas mal d'années. La France était en retard pour la production de gaz et son utilisation pour les véhicules. La visualisation de la carte des stations de distribution de gaz en Europe fait apparaitre que certains pays (Italie, Belgique, Allemagne et les pays de l'Est...) sont bien alimentés alors que la France, l'Espagne et l'Angleterre sont très peu équipés. Cette situation est en train d'évoluer puisque la France a fait ces dernières années un effort pour pouvoir créer des stations, et nous allons donc pouvoir rattraper un peu notre retard. On s'était engagé par rapport à l'Europe à créer des réseaux de stations.

 

    Lorsque nous avons démarré  il y a quelques années la méthanisation, on s'est dit que l'on pouvait peut-être utiliser ce gaz localement. Je suis alors rentrée en contact avec un transporteur de Tarbes. Je suis allée le voir en lui demandant s'il connaissait le gaz, et au cas où les agriculteurs produisaient du gaz, si on pouvait développer des flottes de camions au gaz? Les échanges ont été longs et un jour ce transporteur m'a dit "Allez, on se met tous autour de la table et on voit ce que l'on peut faire." Tout le monde était conscient, le transporteur en premier, que l'on était sur des  territoires qui étaient aujourd'hui un peu en perte de vitesse et on avait besoin de maintenir de l'activité économique. Il y a quelques années il n'aurait pas bougé, aujourd'hui il a dit que la question du territoire l'intéressait. Nous avons donc échangé avec des agriculteurs et nous avons pris la décision de créer une station de distribution de gaz pour pouvoir alimenter tous ceux qui le souhaiteraient. Un débat s'est institué pour savoir s'il fallait faire une station uniquement pour nous, ou au contraire l'ouvrir au public. Il est vite apparu évident qu'il fallait permettre à tout le monde de pouvoir s'équiper. 

     Allez, on se lance et on essaiera de mobiliser les uns et les autres pour essayer de faire vivre notre station, avec l'espoir que les collectivités suivraient. Dans d'autres grandes villes le gaz est surtout utilisé pour les bus et les bennes à ordures ménagères, pour des questions de réduction de pollution et de bruit. Toulouse, Bordeaux, Paris ont des véhicules au gaz depuis un peu plus de dix ans.

      Voilà. Donc, nous nous sommes lancés. Cela a été une aventure un peu originale de travailler avec agriculteurs et transporteur, de cultures différentes, des manières de travailler différentes. Nous avons créé cette station à Ibos et nous l'avons appelée "Echogaz". L'idée d'"Echogaz", c'est pour signifier cette idée de filière courte, de production de gaz sur des territoires et de l'utiliser sur ces mêmes territoires, même si entre la vache et la voiture le gaz doit passer par les réseaux de gaz de ville.

 

Cette station fonctionne depuis aout 2017. Aujourd'hui nous travaillons avec d'autres partenaires pour savoir si ce concept intéresse d'autres territoires et pour partager notre expérience, partager ce que nous avons mis au point, partager tout cela avec d'autres porteurs de projets. Merci


 

 

 

Intervention de

 

Frédéric Gelber

médecin

     Je vais faire une présentation très écologique, c'est-à-dire sans vidéo-projecteur, sans ordinateur ni diaporama. En fait je vais être moins dans la technique et plus dans le récit, peut-être dans les concepts. Je voudrais évoquer une innovation qui a eu lieu dans les hautes-pyrénées il y a quelques années et je voudrais aussi donner quelques éléments de réponse au thème général de cette quinzaine du Narthex : "Le progrès, chance ou menace".

Je suis un vieux médecin. J'ai commencé mes études dans les années 60 et, lorsque je regarde ce que j'ai vécu depuis plus de 50 ans, c'est avec émerveillement que je regarde les progrès qui ont été réalisés. Emerveillement : J'ai commencé mon premier semestre d'externe à l'hôpital en chirurgie cardiaque. On opérait des valvulopathies, des malformations cardiaques, avec une mortalité effroyable! On imaginait pas que plus tard on serait capable de mettre des stents, de déboucher des artères ou de greffer des cœurs. Lors de mes premières gardes, pas une nuit sans un œdème aigu du poumon, sans un accident vasculaire cérébral gravissime. Actuellement, simplement avec le traitement de l'hypertension, on arrive à réduire ces complications dans des proportions considérables. A mon époque, un enfant qui avait un cancer mourrait dans presque tous les cas. Actuellement, on guérit 80% des cancers de l'enfant. Donc, gardons bien à l'esprit, quelques soient les craintes, les inconvénients avec les évolutions techniques, le progrès en médecine ce sont des vies sauvées et ce sont des douleurs, des souffrances évitées ou soulagées.

     Dans les années 80-90, les progrès ont été tels, tellement rapides, que certains ont cru qu'en fin de vie, ils devaient continuer à se battre, à continuer des explorations et des traitements, et encore des traitements. En plus, l'opinion publique, les patients et leurs familles nous confortaient dans cette attitude. Juste un dessin de Sempé qui reflète assez bien l'état d'esprit de l'époque : Vous imaginez une grande église, une petite dame qui prie, et qui s'adresse au Seigneur en disant : "Seigneur, j'ai tellement confiance en vous que parfois je vous appelle docteur". Cette attitude a entrainé des dérives que l'on appelle acharnement thérapeutique, obstination déraisonnable.

En réaction à cette façon de faire, émergence du mouvement des soins palliatifs. La première idée dans les soins palliatifs, c'est de remettre au premier plan le traitement de la douleur et le confort du patient. Cela a apporté aussi une idée qui était très novatrice à l'époque : A un certain moment les traitements sont inutiles, il faut savoir les arrêter et se consacrer uniquement à l'accompagnement du patient, au soulagement de sa douleur, et favoriser sa qualité de vie. Dans notre département, au début des années 90, Martine Couderc, une collègue médecin généraliste et gériatre a initié une association pour le développement des soins palliatifs qui s'appelle SP2 (Société Pyrénéenne de soins Palliatifs). C'était au début des années 90. En 95, réforme Juppé de la santé et ouverture vers de nouvelles formes de soins. Au sein de l'équipe de SP2 est née l'idée que l'on peut proposer un projet dans ce cadre expérimental pour créer un réseau de soins palliatifs à domicile. Et avec le soutien du directeur de la CPAM Gilles Arzel, on a monté un dossier qui a été validé au niveau national. C'était le premier dossier de réseau qui a été validé dans le cadre de la loi Juppé. Et nous avons monté le premier réseau de soins palliatifs à domicile, réseau qui s'articulait autour de l'équipe de soins du patient, avec en soutien une équipe de référents en soins palliatifs qui assurait en plus la permanence des soins 24h sur 24, et enfin une articulation avec les équipes des hopitaux et en particulier le service de soins palliatifs de la clinique de l'Ormeau. Ce réseau a fonctionné, son évaluation a été une réussite. Il continue actuellement : C'est le réseau Arcade.

Là nous sommes dans les années 2000. En 2005, la loi Léonetti va fixer dans la loi la démarche en soins palliatifs. Bien sûr, on ne résoud pas tout. C'est un domaine où on est souvent obligé de se contenter de la moins mauvaise solution. La loi Léonetti parait une loi équilibrée, et d'ailleurs il n'est pour l'instant pas question d'y toucher.

     Donc des progrès qui sont impressionnants, une médecine actuellement de grande qualité où les prouesses techniques de la veille sont devenues des pratiques de routine, et pourtant actuellement nous avons un système de santé en crise. Le président du Conseil de l'Ordre parle de système "à bout de souffle". Le monde hospitalier clame sa souffrance. Les collègues généralistes que je peux rencontrer me disent qu'ils sont à bout. Sur le bassin de Tarbes, actuellement, la plupart des cabinets de généralistes de Tarbes ne prennent plus de nouveaux patients. C'est-à-dire que si votre médecin part à la retraite ou si vous arrivez d'une autre région, vous aurez un mal fou à trouver un médecin traitant. Et cette situation n'est pas prête de s'améliorer.  Le quart des médecins généralistes des Hautes Pyrénées a 64 ans et plus... Et je pense que cela est représentatif de ce qui se passe dans le reste de la France.

Ce qui fait que l'on se pose deux questions : Va-t-on pouvoir garder cette relation humaine à tous les niveaux des acteurs du service de santé, relation humaine précieuse pour des patients qui sont fragiles, vulnérables. Vous savez, si vous avez déjà été hospitalisés, à quel point le sourire d'une infirmière, un mot gentil d'une aide soignante ou l'écoute d'un médecin sont précieux. Deuxième question : Pourra-t-on conserver l'accès aux soins de qualité pour tous ? En gros, c'est actuellement ce qui se passe. C'est une obligation morale, c'est une obligation de solidarité, et c'est une nécessité pour la cohésion de notre société. Je ne sais pas si les bouleversements qui s'annoncent vont faciliter la réponse à ces questions.

Les bouleversements sont essentiellement liés aux progrès de l'intelligence artificielle et aux progrès en génétique, et je vais en donner trois exemples. Quand je vous parle de progrès de l'intelligence artificielle pour la génétique vous pensez que c'est pour dans bien longtemps. C'est à nos portes. Trois exemples :

- Premier exemple. Pour analyser une image ou une courbe, l'Intelligence artificielle fait mieux que l'homme. Ainsi pour diagnostiquer un mélanome, qui est un cancer de la peau, la machine fait mieux que le dermatologue. Comment fonctionne cette machine? C'est grâce au big data et au machine learning. En deux mots le big data c'est les grandes quantités de données. Vous fournissez à l'ordinateur des millions d'images de mélanomes, et par le machine learning, c'est-à-dire un mécanisme d'apprentissage de l'ordinateur, il saura mieux faire que l'homme pour diagnostiquer le mélanome. Cela a été prouvé pour le mélanome. Sur la lecture des mammographies, cela a été prouvé. Aux Etats-Unis actuellement, on vient de valider un logiciel qui fait le diagnostic de la rétinopathie diabétique à ses différents stades. Vous voyez donc que la machine prend de plus en plus de place. Important à retenir : La machine fait mieux que l'homme dans ces cas-là, mais l'homme + la machine, ça fait toujours mieux que la machine. Quand on parle d'égalité des soins, vous voyez là où je veux en venir... Tout cela va coûter très cher... La question qui vient c'est "La machine seule sera-t-elle réservée à une certaine partie de la population et uniquement les plus riches pourront se payer l'homme + la machine ?" C'est la problématique qu'un homme réputé comme Daniel Cohen, professeur à Normale Sup, considère comme un problème majeur en économie de la santé dans les années qui viennent.
- Deuxième exemple de bouleversement. C'est la médecine prédictive ou personnalisée, dont on nous parle depuis très longtemps. On employait le terme de "prédictive", il vaut mieux employer celui de "personnalisée", parce que c'est une médecine fondée sur les caractéristiques de chaque individu en termes de génétique, d'environnement et de mode de vie. C'est-à-dire s'il s'agit de fumeurs, un fumeur va avoir un cancer du poumon, un autre qui fume encore plus n'en aura pas. Vous donnez un traitement, certains seront répondeurs, d'autres ne seront pas répondeurs. Si l'on arrive à maitriser ces éléments génétiques, environnementaux et modes de vie, on attend d'énormes progrès en termes de prévention et en terme d'efficacité des traitements. Cette médecine personnalisée est maintenant possible grâce au séquençage du génome. Le séquençage du génome, c'est connaitre les éléments de notre code génétique. C'est relativement récent. Il a fallu 3 milliards de dollars et 13 ans pour aboutir au premier séquençage du génome en 2003. Actuellement, on séquence en quelques jours un génome pour moins de 1000 €. C'est un énorme progrès. Si l'on arrive à corréler cela (et là je reviens au big data et au machine learning) avec les données que l'on a sur l'environnement et sur les modes de vie, on peut arriver à cette fameuse médecine personnalisée. Je ne sais si vous avez vu ce documentaire de France 2 il y a une semaine sur les dérives de la commercialisation de test ADN. Déjà maintenant il y a une dérive commerciale. Aux Etats-unis pour quelques dizaines de dollars la machine vous fait un séquençage d'une partie de votre génome et vous annonce que vous allez avoir un alzheimer, que vous avez une prédisposition au cancer ou au diabète... Tout ça c'est quasiment de l'escroquerie, parce que la génétique peut apporter, en dehors de maladies monogéniques très précises, ce sont des facteurs de prédisposition ou de vulnérabilité. Donc déjà la dérive a précédée l'arrivée de la médecine personnalisée.
- Troisième exemple de ces bouleversements, ce sont les modifications du génome. Françis Wolff nous a bien dit que les découvertes n'étaient pas programmables et n'arrivaient pas là où on les attendait. Pour la modification du génome, la découverte n'est pas venue par les milliards de Google ou Facebook, mais elle est venue de deux jeunes universitaires qui travaillaient en microbiologie et s'intéressaient au système de défense des bactéries contre l'invasion virale. Ils ont découvert en étudiant ces mécanismes de la bactérie, un système qui s'appelle "Crisper-cas 9". C'est un système qui permet d'aller découper des gènes avec précision et facilité, et pour pas cher. C'est une révolution, un saut technologique aux conséquences difficilement évaluables. Les retombées s'adresseront dans tout le monde du vivant, aussi bien les plantes que les animaux que l'homme. De nombreux laboratoires travaillent dans ce domaine. Il y a actuellement un projet pour éradiquer le paludisme. Le paludisme, ce n'est pas rien, c'est plus de 400.000 morts par an. Le projet, déjà bien avancé en laboratoire, consiste à modifier les gènes de l'anophèle, moustique qui transmet le paludisme, de telle façon que cela aboutisse à une stérilisation de cette forme de moustique. Cela fonctionne en laboratoire, et des projets sont prévus pour l'appliquer dans les zones de paludisme. Il est prévu aussi de faire de même pour le virus du Sida, pour la maladie de Lime et pour les tiques. Ce n'est donc pas négligeable comme avancée. Bien entendu nous sommes en train de parler d'OGM. Et vous connaissez les réticences envers les OGM pour les plantes, alors pour ce qui est des insectes, quel va être le retentissement sur l'écosystème ? Toujours cette dualité entre progrès et risque, crainte. Jusqu'à maintenant, on a réussi assez bien à contrôler le risque...
     Pour terminer, je voudrais revenir sur le thème déjà abordé du transhumanisme. Parce que le transhumanisme en médecine, c'est deux transgressions majeures :
- Première transgression. La médecine ne sert plus à soigner, réparer, soulager, elle sert à augmenter l'homme. Elle sert à faire un être humain qui ait plus de pouvoir, plus de possibilités. En fait, les transhumanistes ont comme objectif l'homme-machine, le syborg. Heureusement, dans ce domaine-là, cela avance très lentement. L'interface cerveau-machine existe : par exemple un implant cochléaire, ça fonctionne pour la surdité. Des études montrent qu'un implant rétinien commence à permettre à des gens qui ont une rétinopathie pigmentaire de voir en noir et blanc. En sens inverse, on arrive, par des casques à électrodes, à faire que par la pensée on se connecte à un ordinateur. Tout cela est fait dans les laboratoires. On est loin du cyborg.

- La deuxième transgression, c'est la transformation du génome. Les geeks californiens connaissent Darwin et ils savent très bien que l'évolution des espèces se fait au hazard, et leur slogan c'est "from chance to choice", du hazard au choix. Et là, les sauts technologiques sont faits. Il y a actuellement deux façons de transformer le génome. La première c'est la sélection, et la deuxième c'est la modification avec crisper-cas 9.

          * La sélection : Lorsque l'on pratique une PMA par l'intermédiaire d'une FIV, après stimulation ovarienne pour obtenir le plus grand nombre possible d'ovocytes (mettons une quinzaine), on fait une fécondation in vitro pour obtenir mettons dix embryons. Au troisième jour on prélève une cellule de ces embryons et on va analyser (nous avons vu qu'on sait très bien le faire) le génome de cette cellule. Ce qui veut dire, si on le fait pour les dix embryons, que l'on pourra choisir le type d'hérédité génétique que l'on veut. Ça a des effets thérapeutiques. Actuellement, si vous êtes dans une famille avec mucoviscidose, vous pourrez choisir parmi les embryons celui qui n'aura pas de mucoviscidose, est c'est un énorme progrès. Imaginez des parents dans cette situation qui sauront qu'ils n'auront pas d'enfant atteint de maladie génétique grave... et il y en a d'autres des maladies génétiques graves comme ça. Mais, tout le monde ne fait pas que ça. Aux Etats-unis déjà vous pouvez choisir le sexe de l'enfant, la couleur des yeux, et d'autres caractéristiques de l'enfant. De nombreuses start-ups travaillent à des programmes qui vont faire des choix dans ce matériel génétique. Un de nos spécialistes les plus réputés dans ce domaine Jacques Testart, qui est le père scientifique du premier bébé-éprouvette (qui vient à Tarbes dans une semaine, faire une conférence dans le cadre de l'UTL), dénonce cette dérive eugénique qui est pour lui presque inéluctable si l'on ne met pas fin à ce genre de pratiques.

          * La deuxième modification du génome, c'est avec Crisper-cas 9 dont je vous ait parlé. On peut l'appliquer à l'embryon humain. Crisper-cas 9 c'est 2012. En 2016, les chinois, à Shenzhen comme par hazard, ont réussi à modifier des embryons humains pour permettre la résistance au virus du sida et pour traiter la ßthalassémie. Ils ont fait ces travaux en 2016 et l'on apprend cette semaine qu'ils auraient implanté un de ces embryons résistants au sida et que l'on aurait les deux premiers bébés OGM de l'histoire de l'humanité. C'est discuté, mais la technologie est là. Si cela n'a pas été fait cette semaine, si l'on ne met pas en place des règles strictes ça se fera un jour ou l'autre.

 

     Le progrès nous amène des pouvoirs extraordinaires. Le problème est de savoir ce qu'en fera l'humanité dans sa grande sagesse...